Mise sous presse
Mise sous presse

Je ne me rappelais plus qu’il était si long. Alors que je roule, hypnotisé par la ligne continue et les lumières sur les murs, j’aperçois enfin le bout du tunnel. Je m’arrête un moment à sa sortie pour contempler le majestueux Mont-Blanc. Quel plaisir de retrouver l’hiver et le froid en ce début de février bien trop doux en plaine…

Arrivé à l’imprimerie, on m’installe dans un salon pour me faire patienter en m’apportant un petit café bien serré. Pas de doutes, je suis bien en Italie! Je contemple les livres qui s’entassent sur les rayons d’une immense bibliothèque. Ils ont tous été imprimés ici et représentent la mémoire de la vénérable institution. Je suis surpris par l’arrivée d’une dame qui vient me chercher :  «Les formes sont déjà sur la machine, on est prêt à imprimer.»

En pénétrant dans la grande halle au sous-sol, je suis saisi par l’odeur de l’encre et les cliquetis bruyants des presses qui tournent à plein régime. Sur le sol, des palettes en bois supportent des piles de feuilles qui sont autant de livres, brochures et imprimés publicitaires.

Roberto et Yvan se tiennent devant la machine qui vient de sortir les premières épreuves. On s’approche d’une table sur laquelle repose une grande feuille où figurent différentes pages de mon livre, agencées selon un savant pliage qui suivra lors de sa confection.

Je sors de mon cartable quelques originaux que nous comparons aux feuilles imprimées. Une des images est un peu trop bleue. Roberto appuie trois ou quatre fois sur la touche d’un clavier et relance l’impression. Aussitôt la presse se met en marche à une vitesse stupéfiante. 12000 feuilles à l’heure, plus de 3 par seconde ! Il laisse tourner un moment puis récupère un tirage qu’il dépose au-dessus du précédent. On vérifie. La correction est faite et c’est mieux ainsi.

Je réalise soudain que j’ai devant moi la représentation d’une gravure de grèbe huppé du livre de Conrad Gessner, datant du 16ème siècle. Je l’ai insérée dans mon livre comme un hommage. L’occasion est trop belle, je demande à Yvan de bien vouloir prendre une photo souvenir de ce moment qui rassemble les deux extrémités de l’histoire de l’imprimerie!

Après quelques heures et de menues corrections, les trois grandes feuilles qui constituent tout le livre sont imprimées recto-verso. Il est déjà temps pour moi de reprendre la route, impatient de découvrir l’objet fini et de vous présenter très prochainement cette «Histoire de grèbe».

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart