L’homme qui aimait les limaces
L’homme qui aimait les limaces

Il s’appelle Hervé Coves. Il est ingénieur agronome, moine franciscain et amoureux de toutes les formes de vie sur terre.  Son discours apaisant, réunificateur, qui commence et se termine toujours par «la vie est belle», j’ai eu l’a chance de l’écouter samedi dernier lors des rencontres d’automne organisées par l’association Ressources, à Bretonnières (VD). Il y était question de limaces bien sûr, car l’homme est célèbre en tant que défenseur des mollusques en tous genres, mais aussi de pucerons, de trips, de champignons, d’oiseaux et de vieux arbres. Il y était question d’amour de la nature surtout, qui est là pour nous aider à bien vivre et à réaliser nos rêves. Mystique et doux rêveur le bonhomme?

Certes, Hervé Coves est devenu disciple de Saint François d’Assise en 2014, après une immersion dans la forêt guyanaise qui lui a fait prendre conscience de la beauté du monde. Mais il n’est pas à court d’arguments scientifiques, étayés par un parcours de conseiller technique agricole, des années d’expérimentation et de recherche dans le Limousin, et une incroyable érudition en matière de compréhension des écosystèmes et de la biosphère. Hervé Coves a changé de paradigme: devenu permaculteur et spécialiste de l’agro-écologie, il ne se bat plus contre la nature mais collabore avec elle. «Autrefois, on faisait 7 traitements chimiques pour lutter contre les pucerons des framboisiers alors que cela ne sert à rien. On a pu vérifier qu’il suffit d’avoir des insectes comme les coccinelles, les syrphes et les chrysopes autour des cultures pour résoudre le problème sans poison et à moindre coût. En semant des fleurs, en plantant des haies vivantes, en accueillant la vie autour de soi, on recrée peu à peu un écosystème diversifié et équilibré qui fait très bien le travail à notre place» démontre-il aisément. Idem avec les trips qui menaçaient toute la récolte d’une culture de fraisiers sous serre: « Les auxiliaires étaient à l’extérieur de la serre, mais pas dedans. Nous les avons attirés à l’intérieur en arrosant les plants d’une tisane de fraise: le problème a été résolu en quelques jours. Depuis, on plante aussi des fleurs autour des fraisiers pour nourrir les insectes prédateurs car c’est en amenant le loup dans la bergerie qu’au final, on a beaucoup moins de dégâts! »

Oui mais, et pour les limaces? Franchement, j’ai beau avoir un jardin extrêmement riche en biodiversité, avec des hérissons, des crapauds, des grenouilles et des carabes qui se promènent au potager, je subis chaque année l’invasion de hordes de limaces qui me poussent à m’exercer au lancer de gastéropode, à sortir l’arme blanche ou à répandre du Ferramol pour sauver mes plantons.  Hervé Coves ne se laisse pas démonter: «Les limaces sont partout sur terre. Elles jouent un rôle important de décomposeur de la matière organique et méritent notre respect. Si on les assassine, c’est que quelque chose ne fonctionne pas». Mieux vaut confier ce sale boulot aux staphylins et aux carabes par exemple, qui s’installeront au jardin pour autant qu’on mette quelques plantes vivaces (par exemple du thym) et un peu de bois mort à proximité des cultures délicates. Hervé Coves conseille également d’offrir aux mollusques une planche de choux, car ils les adorent et du coup délaisseront les salades, ou encore d’arroser un coin ombragé du jardin pour les cantonner à cet endroit.

Ok, j’essaierai encore la tolérance et le buffet partagé. Et je suis repartie rassurée: Hervé Coves m’a quand même avoué qu’il lui arrive parfois de s’énerver contre les limaces au point de les balancer un peu plus loin… mais «je culpabilise énormément par la suite!» Ouf, personne n’est parfait.

 

Plus d’infos:  conférence d’Hervé Coves sur la gestion holistique des limaces et son livre “Vivre ensemble, notre monde truffé d’amour“, éditions Les Monédières 2016

 

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens