Les mystérieux visiteurs du soir
Les mystérieux visiteurs du soir

Ils doivent bien être quelque part! Je regarde derrière les pots, dans les encoignures, sur les troncs. Rien. Un jardinier qui travaille au Jardin botanique de Genève en avait trouvé un il y a quelques années et m’avait averti pour que je puisse venir le dessiner. Depuis, je n’en ai plus jamais revu posés.

Une promenade dans les allées me permet toutefois de localiser les plates-bandes intéressantes. J’ai reçu l’autorisation de venir observer les sphinx du liseron qui ne manqueront pas de venir butiner ces fleurs appétissantes à la tombée de la nuit, après la fermeture du site.

Ces splendides papillons de nuit sont de puissants migrateurs qui déferlent sur notre région à la fin de l’été. Ils sont sans doute nés dans le sud de la France et leurs parents quelque part dans le Nord de l’Afrique. Leur stratégie de colonisation vise le nord. Ils sont donc capables de traverser la Méditerranée aussi bien que les Alpes!

Me voilà seul dans le Jardin botanique, que la nuit enveloppe progressivement. L’odeur des fleurs devient enivrante. Je déambule le long des massifs de Phlox. En voilà un qui vient de passer à toute vitesse. Il s’élève, tourne et disparaît dans la nuit. Juste le temps d’éclairer son œil scintillant avec ma lampe frontale. Et là, en voilà un deuxième qui inspecte des fleurs de tabac.

Je m’approche. Le mystérieux papillon de nuit se stabilise à une dizaine de centimètres d’une corolle. Ma lumière ne semble pas le perturber. Son corps oscille très légèrement sous l’impulsion des ailes qui vibrent. Je contemple les marques roses, noires et blanches sur les côtés de l’abdomen gris et laineux. Le thorax est puissant. La petite tête aux gros yeux brillants est prolongée par une très longue trompe. Fine comme un cheveu, elle plonge dans les fleurs, en quête de sucre.

Il y a quelques années, nous avions fait une observation similaire dans un parc de la ville, avec mon ami Maxime. De retour chez moi, je me souviens avoir reçu ce sms qui m’avait fait sourire: «Bonne nuit et merci pour cette soirée magnifique que je poursuis sur une terrasse avec une bière et un narguilé. Longue trompe et vol stationnaire!»

 

 

 

 

 

 

 

 

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart