Le feu sous la pluie
Le feu sous la pluie

Week-end de découverte des charmes de la région pour Christina et Ulf, des amis berlinois chez qui notre fils cadet a vécu durant une année. La petite cité de Calvin a certes quelques particularités, mais sans commune mesure avec leur titanesque capitale. Une visite du vignoble devrait donc intéresser nos amis, de bons vivants du nord de l’Allemagne, qui de manière naturelle privilégient l’orge au raisin.

Nous traversons le village de Dardagny sous la pluie et descendons le petit chemin caillouteux qui nous conduit à la cave de mon ami Stéphane. La vendange bat son plein ici, alors que la majorité des vignerons a déjà rentré le raisin. «A quoi bon manger des fruits s’ils ne sont pas mûrs?». Notre hôte nous reçoit à l’abri sous le vieux pressoir et prend le temps de nous faire déguster son chasselas et son gamay, les deux cépages emblématiques de notre vignoble.

La discussion tourne vite autour de la salamandre tachetée qui orne les étiquettes de ses flacons. Nous sommes près d’un ruisseau qui abrite une des dernières populations du canton et c’est tout naturellement que le batracien est devenu l’emblème de ce vigneron respectueux de la vie sauvage.

De mœurs nocturnes, il arrive pourtant de rencontrer des salamandres de jour, à la faveur d’une grosse pluie. Je prospecte donc derrière les tonneaux, sous le bassin de la fontaine, vers le tas de bois et par chance en découvre une, prisonnière dans un drain. Je l’extrais et la dépose sur le pré après avoir convié notre petite assemblée à venir l’observer.

Un cercle se forme autour de l’animal qui se met en marche. Ce n’est pas la première salamandre que j’observe, loin s’en faut, mais j’avoue avoir chaque fois un petit choc devant cet animal étrange, à la peau luisante et au graphisme si particulier.

A l’instar du phénix ou du dragon, la salamandre fait partie des rares créatures liées au feu et à sa combustion. Les taches jaunes sur son corps d’obsidienne peuvent évoquer des flammes, mais l’origine de ce lien est peut-être à rechercher ailleurs.

Comme tous les amphibiens, elle doit se prémunir du gel et s’enfouit volontiers l’hiver dans de grosses souches ou des tas de bois. Il est vraisemblable que des salamandres réveillées de leur léthargie par la chaleur, se soient déjà retrouvées dans de grandes cheminées de châteaux…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart