L’art du camouflage
L’art du camouflage

Je profite des abondantes chutes de pluie de ces derniers jours pour aller me promener à la recherche de traces, sur un chemin boueux qui longe le Rhône, dans la réserve des Teppes de Verbois. J’aimerais tant découvrir la grosse empreinte étoilée de la loutre qui a été signalée plusieurs fois dans la région.

Parmi de nombreuses traces de chaussures et les sillons profonds laissés par les roues de vélos, je découvre quelques discrets petits cœurs qui attestent du passage d’un chevreuil et plus loin la signature griffue d’un blaireau.

La pluie se met à tomber. De plus en plus fort. Je décide de laisser passer l’averse, à l’abri de l’un des observatoires de la réserve. Je marche d’un bon pas jusqu’à la cabane qui se situe au bord d’une lagune intérieure, près d’un front de roseaux.

En entrant, je suis surpris d’y trouver plusieurs personnes installées devant les ouvertures. A vrai dire, toutes les places sont occupées par des photographes qui attendent. Je constate, amusé, que plusieurs d’entre eux sont vêtus de pied en cap d’une tenue de camouflage aux motifs de feuilles d’automne.

En regardant dans mes jumelles, par-dessus l’épaule de l’un d’eux, je vois une merlette qui sautille sur la vase et plus tard, après avoir scruté les pieds des roseaux, j’aperçois enfin l’objet de toutes cette convoitise photographique: une bécassine des marais se déplace dans la végétation.

Je ne l’avais pas vue avant qu’elle ne bouge. Les stries et les plumes vermiculées de son plumage subtil évoquent à tel point la vase et les herbes sèches du marais, qu’elle se fond dans le décor!

La voilà maintenant à découvert. Tous les téléobjectifs se focalisent sur elle. Clic clic clic clic…clicclicclic clic clic clicclicclic clic. Les appareils de photos crépitent. La bécassine fore la vase de son très long bec, traverse un petit canal et se fige un moment.

Debout en arrière-plan dans la cabane, j’arrive tant bien que mal à l’observer. J’esquisse sur mon bloc sa forme et les grandes lignes de son plumage, mais déjà elle se remet en mouvement et disparaît dans la végétation.

Dans l’observatoire, ça chuchote. Tous les photographes vérifient au dos des boîtiers, le résultat de leurs prises de vue frénétiques et se réinstallent, en attendant une nouvelle apparition de l’oiseau…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart