L’affût aux terriers
L’affût aux terriers

C’est une belle soirée printanière. Le soleil se couche quand je descends discrètement dans le vallon, au travers de la forêt. Je m’installe sans tarder contre un arbre et attends patiemment. En face de moi l’esplanade piétinée devant les gueules des terriers qui s’enfoncent dans la molasse, m’indique que le site est occupé cette année encore.

Le léger vent d’ouest est favorable car il porte mon odeur derrière moi. Je ne vais pas déranger les locataires des lieux. Je somnole un moment, bercé par les odeurs et les bruits de la forêt qui m’entoure. Peu à peu, la lumière décline et tout devient calme dans la forêt qui semble se préparer pour la nuit. Seul le rouge-gorge chante encore et un merle lance ses trilles avant d’aller se coucher.

Quelques bruissements dans les feuilles. Un mulot, un merle? La tension monte, un peu comme au spectacle quand on frappe les trois coups et que la levée du rideau est imminente…

J’aime cette attente active durant laquelle tous les sens sont en éveil.

Dans l’entrée principale quelque chose a bougé. De longues minutes passent avant de voir enfin la tête du blaireau apparaître pour rentrer presqu’aussitôt. J’espère qu’il n’a pas senti mon odeur!

Non le revoilà! Il hume précautionneusement l’air ambiant avant de se couler hors du terrier pour se tenir sur l’esplanade. Il observe un moment les alentours puis se gratte longuement. Il retourne à l’intérieur et ressort peu de temps après, suivi par plusieurs petits assez agités qui se chamaillent.

Les blaireautins se mordent, se sautent dessus en toussotant ou en couinant. Ils ne s’éloignent toutefois pas très loin de leur mère qui reste vigilante. Entourée par sa progéniture, elle m’offre une jolie scène de famille. Le mâle, plus costaud d’apparence, sortira un peu plus tard. Après s’être gratté lui aussi, il s’en ira en remontant la pente.

La nuit enveloppe maintenant le vallon et estompe les formes. Seules restent visibles les têtes blanches bandées de noir des blaireaux. Je ne vois plus très bien ce que je dessine…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart