La chute de la colombe
La chute de la colombe

En attendant le bus à un carrefour animé de Genève, mon attention est captée par la silhouette d’un oiseau qui passe d’un vol décidé et disparaît derrière la façade d’un bâtiment. L’observation a été de courte durée, pourtant j’ai reconnu la carène typique du faucon pèlerin.

Ce rapace, encore très rare il y a quelques dizaines d’années, a reconquis patiemment ses territoires, à la faveur d’une protection accrue. On ne le chasse plus et on a cessé le commerce de ses œufs pour la fauconnerie. A l’heure actuelle, quelques 300 couples se répartissent  le territoire de notre pays, nichant sur des falaises ou parfois des grands bâtiments.

Le pèlerin est un spécialiste de la chasse d’oiseaux en vol qu’il capture à très grande vitesse et de manière souvent acrobatique. Aussitôt la saison de nidification terminée, il se déplace et n’hésite pas à traîner aux abords des villes, pour venir chercher sa nourriture.

Le quartier dans lequel je me trouve se situe près du lac et constitue pour notre prédateur un supermarché bien achalandé en pigeons, corneilles, canards et mouettes.

Il stationnera dans le secteur jusqu’au printemps prochain, perché sur les points les plus hauts de la ville, à l’affût. De l’antenne de la poste ou de la cathédrale, il observera patiemment le comportement de ses proies, avant de déclencher une attaque fulgurante.

Il y a quelques années, je me souviens d’un individu qui aimait venir se reposer sur l’ancienne croix de l’église du carrefour où je me trouve (elle a été refaite depuis et ne semble plus convenir comme poste de vigie). Comme je connaissais quelqu’un qui travaillait au sixième étage de l’immeuble d’en face, j’ai pu dessiner le faucon à plusieurs reprises, les dimanches, presque à hauteur du regard.

Confortablement installé sur une chaise de bureau, j’ai eu l’occasion de contempler le splendide rapace qui somnolait, quand il n’était pas entrain de dépecer une proie. Un jour, il a laissé tomber un gras pigeon de ville, dont il venait de faire son repas.

Un peu à la manière des graines d’érables, la carcasse, dont les ailes n’avaient pas été touchées, est tombée en tourbillonnant sur le trottoir, après avoir rebondi sur les toits. Je me suis souvent demandé ce que cette colombe sanguinolente, tombant du ciel sur le parvis d’une église, a bien pu inspirer aux passants…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart