Isabelle, je t’ai attendu en vain
Isabelle, je t’ai attendu en vain

Nous profitons des fêtes pour aller rendre visite à un couple d’amis, installés depuis peu en Catalogne. Il se trouve que nous sommes en  période de vol de l’Isabelle, le plus beau des papillons de nuit du sud-ouest de notre continent. Il existe quelques populations dans les Alpes du sud et même une en Valais, mais pour cette dernière, il y a fort à parier qu’elle a été introduite. Comme c’est mon anniversaire, j’ai demandé à notre hôte Maxime d’organiser en guise de cadeau une chasse à la lumière. J’ai pensé que pour mes cinquante balais, ce serait un joli symbole!

Rendez-vous est pris. Le ciel est nuageux quand nous quittons la plaine en soirée pour nous rendre par de petites routes sinueuses dans la Garrotxa, les contreforts des Pyrénées. Nous traversons une belle forêt de montagne dont les arbres feuillus cèdent progressivement la place aux pins rouges, le biotope du papillon! Arrivés au col, à l’emplacement qui nous a été indiqué, nous choisissons une clairière favorable et installons sans tarder la lampe puisqu’il fait déjà sombre. Nous déployons une grande bâche pour le pique-nique, sortons les saucissons, les fromages et le pain puis débouchons une bonne bouteille! Tout est prêt pour que la fête soit belle et j’ai hâte de recevoir mon cadeau d’anniversaire…

Quelques gouttes se mettent à tomber. On installe un parapluie au-dessus de la lampe pour la protéger et on essaie de se convaincre que ce n’est pas si grave. On a déjà fait de belles chasses aux papillons sous des pluies fines. Quelques géomètres et noctuidae tournent d’ailleurs autour de la lampe. Qui sait si l’Isabelle…

Le temps passe et la pluie forcit. Tout est détrempé maintenant. On se réfugie sous les couronnes des arbres, notre verre à la main. Enrique, un ami catalan qui s’est joint à nous, vérifie sur une application de son téléphone le suivi radar des pluies annoncées. Pas terrible! On veut cependant y croire encore, car le temps peut vite changer en montagne. La Tramontane pourrait pousser les nuages et nous offrir une belle éclaircie. Nous gardons le moral et patientons.

Le papillon nous a posé un lapin. En ces fêtes de Pâques, c’est plutôt amusant…

Mais la pluie ne cessera pas et nous nous  déciderons finalement à plier bagage. Il faut parfois mettre de l’eau dans son vin, littéralement, et accepter, quand on a affaire à la nature, que les événements ne se produisent pas toujours comme on le souhaite.

Je ne vous montrerai donc pas de dessin de ce magnifique papillon, dont les motifs alaires font penser à un vitrail «Art nouveau».

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart