Incroyables phéromones
Incroyables phéromones

Des rafales de vent nous obligent à réviser nos plans. La femelle que nous avons déposée au pied de la haie avec mon ami Simon a changé de position et se met à vrombir des ailes. Il ne faudrait pas qu’elle prenne son envol, c’est pourquoi nous la remettons délicatement dans sa boîte et contournons les vieux prunelliers. Ici, les herbes sèches à l’abri du vent nous semblent propices pour répéter l’opération.

A peine relâchée, elle se déplace sur les graminées et s’y accroche confortablement. Elle ne bouge plus. A la pointe de son abdomen, on voit poindre maintenant ses organes reproducteurs qui nous indiquent qu’elle émet ses phéromones. Ce petit paon de nuit est issu d’élevage et devrait nous permettre d’établir la présence de l’espèce en ces lieux, en attirant des mâles sauvages.

Grâce à leurs antennes en forme de fougères, ces derniers ont la capacité de détecter, lors de leurs prospections diurnes, les phéromones d’une femelle à une distance incroyable. Certaines études évoquent une distance de l’ordre du kilomètre et peut-être plus!

Comme tous les Saturniidae (famille de papillons de nuit dont le petit paon fait partie), la femelle que je contemple, assis par terre, arbore sur ses ailes antérieures deux ocelles magnifiques qui font penser à un masque africain.

A peine dix minutes se sont écoulées que deux papillons au vol brusque et saccadé me tournent autour. Ils sont un peu hésitants, mais très vite s’approchent par cercles concentriques. Le premier se pose à proximité de la femelle et vient rapidement se coller à elle. L’accouplement débute tout de suite, ce qui provoque le départ de l’autre prétendant.

Le couple ne bouge plus. Je me déplace légèrement pour mieux voir le petit mâle partiellement caché derrière la femelle et durant trente minutes, j’aurai tout loisir de détailler cette scène magnifique. Mon dessin est heureusement presque terminé quand un léger mouvement des papillons attire mon attention. Le mâle bouge une aile, esquisse un déplacement et s’envole brusquement.

Nous récupérons la femelle qui pondra cette nuit dans sa cage, ses dizaines d’œufs qu’elle accrochera en plusieurs colliers autour d’une branche. L’élevage des chenilles, nous permettra peut-être d’avoir d’autres femelles l’an prochain pour continuer notre recensement de l’espèce.

Le petit paon est certainement plus répandu que les maigres observations de terrain récoltées ne le laisseraient supposer. L’attirance grâce aux phéromones est un moyen infaillible d’attester sa présence.

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart