Quand un tas de cailloux devient mur mosaïque
Quand un tas de cailloux devient mur mosaïque

On l’a commencé vendredi.  Nous étions sept apprentis bâtisseurs, enthousiastes et énergiques, prêts à en découdre avec le gros tas de cailloux amoncelés à côté de la serre. Pour canaliser notre ardeur: Eric Vaucher, mon murtier préféré, retraité de son état mais plus vaillant que jamais quand il s’agit de promouvoir la pierre sèche et transmettre son savoir-faire. Esquissé au sol et sur papier, l’ouvrage en bordure du talus aura au final 6 mètres de long pour 90 cm de haut. Sa largeur au sommet sera d’au moins 40 cm: c’est aussi celle des caissettes de plantons que je compte y poser au printemps, pour qu’elles profitent de la douce chaleur emmagasinée par le mur.

Première étape: creuser les fondations. «L’important, c’est la base! Il faut bien assurer l’assise du mur car c’est ce qui garantira sa pérennité dans le temps» insiste notre formateur. Moins d’une demi-heure plus tard, un lit en légère pente, large de 50 cm était prêt à accueillir les pièces de l’édifice. Alors par groupe de deux, on s’est réparti au pied de la ligne et on s’y est mis gaillardement. A grand renfort de diable, de brouette et des biceps d’un costaud, les premières pierres ont trouvé leur place. Les plus grosses d’abord, si possible mais rarement rectangulaires. Et pour cause: nous avons glané les cailloux dans la campagne environnante, sur les tas dressés par les paysans au bord des champs et dans les décharges de matériaux, sauvages ou municipales.  Il n’y a donc pas deux cailloux pareils et, à l’image du sous-sol morainique de la région, notre récolte est un heureux mélange de calcaires du Jura et de schistes des Alpes.

Dans une ambiance joyeuse mais concentrée, le puzzle en 3D a pris forme lentement mais sûrement. Pour nous guider: les fils du gabarit et les conseils d’Eric, d’une patience sans borne avec ses apprentis. L’une après l’autre, chaque pierre, même les plus biscornues, a été stabilisée au maillet et avec de la graille: un travail d’orfèvre dans un écrin de caillasse. On s’est bien disputé quelques pierres et écrasé quelques phalanges, mais les visages sont restés souriants, heureux du travail accompli. En fin de journée, le gros tas de cailloux avait fondu comme neige au soleil. Le mur est loin d’être fini et c’est tant mieux. Ce vendredi, d’autres débutants prendront le relais pour un nouvel atelier de construction proposé par La maison Nature.  D’ici là, il ne nous reste plus qu’à aller chercher deux trois cailloux.

 

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens

Des murs multi-fonctions

L’histoire de nos murs au jardin a commencé en 2016 déjà, avec la construction d’un mur de soutènement en pierres sèches dans le talus et l’enthousiasme de nos expériences permacoles. L’objectif premier était de créer des terrasses afin de retenir l’eau dans la pente, et mulcher plus facilement nos plantations. Trois ans et 15 mètres de murs plus tard, le pari est plutôt réussi: notre prunier reine-claude planté il y a 20 ans s’est enfin décidé à produire dès qu’il s’est retrouvé sur la terrasse, entouré d’une kyrielle d’arbustes (figuiers, baguenaudier, asiminier,…), de plantes couvre-sols et aromatiques. Côté biodiversité, la population de lézards a explosé. Le hérisson se promène sur les murs, la musaraigne s’y réfugie et l’hermine leur rend visite en hiver. Et bien sûr, orpins et fougères colonisent peu à peu leurs anfractuosités. Contrairement aux deux autres, le mur en cours de construction n’aura pas un rôle de soutènement. A trois faces, il délimitera le chemin sous la serre. On pourra s’y assoir ou y poser des plantons. Mais à l’instar des tous les murs en pierres sèches, il embellira notre quotidien et le paysage du jardin.