Des amours de grèbes
Des amours de grèbes

«Krèt krèt krèt krèt». Le cou tendu en avant, la barbe qui traîne dans l’eau, le mâle appelle sa partenaire. La voilà qui surgit entre deux bateaux. Ils nagent l’un vers l’autre, se font face et se saluent en caquetant bruyamment. Cous dressés et collerettes hérissées comme des fleurs, les grèbes huppés se livrent à leurs parades nuptiales.

Depuis plusieurs semaines, j’étudie et dessine minutieusement le comportement de ces oiseaux de roselières qui nichent depuis une vingtaine d’années dans les ports de notre lac Léman. Cette étude donnera lieu à un ouvrage dont je vous reparlerai prochainement. Le couple que j’ai devant moi a choisi un site de nidification et débuté la construction du nid il y a seulement deux jours. Des plantes aquatiques ont été déposées en tas sur une chaîne qui relie un bateau à une estacade. L’édifice est déjà  impressionnant.

Les parades amoureuses des grèbes sont complexes et souvent difficiles à interpréter, puisque les mâles et les femelles ont des rôles interchangeables. Excepté la fécondation et la ponte, les partenaires adoptent exactement la même gestuelle.

Assis aux premières loges sur un ponton flottant, immobile depuis plusieurs heures, je me suis fait oublier des oiseaux qui vaquent maintenant à leurs occupations. Bien que leurs plumages soient semblables, je reconnais la femelle à son cou plus gracile, sa barbe moins fournie et ses aigrettes plus courtes. Elle se trouve depuis un petit moment devant la plate-forme et se décide à sauter enfin sur le nid. Elle reste quelques instants debout, figée, avant de se coucher, le cou tendu en avant. Le mâle arrive instantanément derrière elle, très excité. La collerette déployée, il émet de doux bêlements.

La tension est à son comble… Il grimpe soudain sur son dos et s’accouple brièvement avant de redescendre en lui piétinant la tête, puis en tapant l’eau de ses grosses pattes lobées. Elle reste un moment sur le nid, puis rejoint son compagnon en se laissant glisser dans l’eau. Durant l’heure qui suit, j’assisterai à trois autres accouplements, toujours selon le même rituel.

Un peu avant de me décider à partir, je suis surpris d’observer le mâle qui saute sur le nid à son tour et se couche comme l’a fait la femelle auparavant. Elle s’approche, caquète discrètement, tandis qu’il bêle et  grimpe brusquement sur son dos pour simuler un accouplement! C’est la première fois que j’observe ce comportement, décrit dans la littérature.

Quand je vous disais que les partenaires adoptent des postures semblables, avouez que vous ne vous attendiez pas à ça?

 

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart

Carnet "Histoire de Grèbe"

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