Rosalie et le graveur sur bois
Rosalie et le graveur sur bois

Sous les frondaisons d’un vallon jurassien, à l’abri de la bise et du soleil écrasant,  les conditions sont idéales pour une promenade estivale. Ma femme Carole, qui souhaite se dépenser, me reproche mon allure sénatoriale. Elle envisage une marche un peu plus sportive. Il est vrai que je scrute minutieusement tous les troncs et les tas de bois morts qui jonchent le sol et que nous n’avons parcouru qu’une centaine de mètres en un quart d’heure!  J’aimerais bien retrouver ici la Rosalie, un somptueux coléoptère dont les larves se développent dans les hêtres morts.

Pour freiner l’allure, je tente de rallier notre fils à ma cause (de vile manière, je dois l’admettre), en offrant une prime de dix francs s’il trouve l’insecte…Nous faisons donc mine d’avancer tout en observant.

Là, en voilà une! Où ? Sur le bord du chemin! Je regarde le sol autour de moi, mais l’excitation retombe assez vite quand mon fils indique une représentation de l’insecte sur un panneau d’information ! Très drôle…

Après une belle marche et un pique-nique dans un pâturage, nous redescendons par le sentier du vallon. Le soleil illumine encore quelques clairières en cette fin d’après-midi, mais la bise souffle un peu plus fort. Les conditions d’observation ne semblent plus très propices. Tant pis! Nous aurons croisé quelques belles fleurs et un ou deux papillons, dont la superbe et rare écaille marbrée.

Peu avant de rallier notre point de départ, je coupe un lacet du sentier pour vérifier encore quelques dépôts de bois morts dans la pente. C’est alors que mon regard est accroché par le discret coléoptère immobile sur un tronc couché!

A peine le temps de commencer le dessin que le bijou s’anime. Ses grandes antennes tâtonnent devant lui, semblant lui indiquer le chemin à suivre. Comme je n’ai pas envie de le voir disparaître tout de suite, j’entrave sa route avec mon bloc de dessin pour qu’il fasse demi-tour et revienne vers nous. Il hésite, rechigne, puis monte sur le bloc et s’immobilise… Nous pouvons l’admirer un petit moment, posé juste sous nos yeux. Quelle merveille!

L’insecte se remet en marche. Je le laisse partir cette fois. Il grimpe sur mon poignet, remonte le long du bras et voilà qu’il se trouve sur mon épaule! Il s’envole soudain et se pose sur un tronc, le long duquel il grimpe, pour disparaître bientôt de notre vue…

Il y a quelques années, suite à une observation similaire dans la réserve du Fer-à-Cheval, en Haute-Savoie, Carole avait été tellement impressionnée par la beauté graphique de la Rosalie qu’elle a élaboré, à partir d’une de mes images, un logo pour représenter mon activité. C’est vrai que l’insecte et le graveur ont un point commun: ils creusent tous les deux dans le bois!

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart