Quand l’ours s’invite au pique-nique
Quand l’ours s’invite au pique-nique

Rencontrer fortuitement un ours quand on se promène dans la nature est assez exceptionnel. J’ai pourtant eu cette grande chance un jour d’été en Italie avec mon fils cadet, alors âgé de dix ans. Après une longue marche en montagne, nous  nous arrêtons à la lisière d’une belle clairière pour pique-niquer. Au moment où je sors les affaires du sac à dos, j’entends mon fils murmurer  «Papa, y’a un ours!». Le plantigrade, qui ne nous avait pas vus ni sentis, traversait la combe en s’arrêtant parfois pour retourner le sol à la manière d’un sanglier, sans doute à la recherche de tubercules. Il venait tout droit dans notre direction.

Lorsqu’il est arrivé à une vingtaine de mètres, j’ai tapé des mains pour manifester notre présence. Assis par terre avec mon gamin, je n’avais pas envie que l’animal soit surpris au dernier moment. Il s’est arrêté net en se dressant sur ses pattes de derrière puis s’est mis à courir pour fuir le danger que nous devions représenter pour lui. Nous sommes restés émerveillés et stupéfaits un long moment avant de retourner à notre pique-nique. A la question de savoir s’il avait eu peur, mon fils m’a sorti cette réponse désarmante: «Ben non, puisque tu étais là».

Une telle observation, inimaginable en Suisse il y a peu, pourrait se produire aujourd’hui. En effet, depuis une quinzaine d’années, quelques ours isolés en provenance du Trentin ont tenté des incursions dans notre pays. Dans les Grisons pour commencer, puis dans le canton de Berne et samedi dernier en Valais, à Riederalp, près du glacier d’Aletsch! Deux randonneuses ont même réussi à filmer cette observation de l’ours courant dans la neige. Quand j’ai visionné la vidéo, j’avoue avoir eu un petit pincement au cœur…

La régularité de ces incursions  nous oblige à nous poser la question d’une cohabitation. Toujours enclins à nous indigner de la disparition des éléphants, des baleines ou des tigres, sommes–nous prêts à partager notre environnement avec un animal qui mérite notre protection, mais qui nous fait peur ?

Sommes-nous capables de laisser un peu de place à une bête qui incarne si bien la beauté sauvage des forêts alpines (ou jurassiennes)? Et de garder nos craintes pour de vraies raisons, comme celle de voir la nature sauvage disparaître insidieusement?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart