L’histoire du Murin, du Maure et de la Meta
L’histoire du Murin, du Maure et de la Meta

Excepté le fait d’avoir été contraint d’évacuer récemment l’arène de la Fête des Vignerons en plein spectacle, j’apprécie les gros orages d’été… Cette nuit encore, il a plu et les éclairs ont zébré le ciel. La journée se poursuit en successions d’averses, sous un ciel lourd.

Lors d’une balade en campagne, je décide de contrôler des grottes, dans un petit vallon des confins du canton. Elles abritent souvent des chauves-souris, à la fin de l’été, après une nuit pluvieuse. Ces galeries ont été creusées au 19ème siècle, dans les parois de molasse, afin d’en exploiter les lentilles bitumineuses qui ont permis d’asphalter certaines rues de la ville et calfater des barques.

Aujourd’hui abandonnées, elles se sont intégrées au paysage, accentuant le caractère romantique de ce vallon perdu. Peu profondes et de température instable, elles ne permettent pas aux chauves-souris d’y passer l’hiver. Elles s’y reposent parfois durant la journée, de manière transitoire.

Une petite marche sur un sentier forestier détrempé m’amène au fond du vallon. Pas un chant d’oiseau, juste la plainte un peu triste d’une buse. Je traverse la petite rivière, veillant à ne pas glisser sur les pierres moussues, puis m’agrippant à des racines, j’escalade une pente terreuse pour accéder à la grotte. Arrivé sur le parvis, j’enclenche ma lampe frontale, prépare mes affaires à dessin et pénètre dans ce milieu si étrange.

En balayant les parois avec mon faisceau lumineux, je repère des coulées noirâtres et moirées du bitume qui suinte toujours de la roche. Quelques magnifiques cocons de soie blanche pendent de la voûte. Plusieurs Metas, grosses araignées cavernicoles, se tiennent à proximité de leur nid, accrochées à de menus fils scintillants. Plus loin, ce sont des Maures, corpulents papillons de nuit, qui sont éparpillés sur les parois.

Des trous artificiels du diamètre d’une barre à mine et d’une vingtaine de centimètres de profondeur attestent de l’ancienne exploitation du site. Je les éclaire systématiquement. Dans plusieurs d’entre eux, je découvre des boules de poils. A mieux y regarder, j’aperçois une oreille chiffonnée, un bout d’avant-bras, un pouce griffu ou le scintillement d’un œil qui s’ouvre. Les oreillards passent leur journée, blottis dans ces trous minuscules!

Au fond de la grotte, dans un des derniers trous inspectés, je me trouve nez à nez avec une chauve-souris plus grosse, qui me dévisage. Un croquis rapide de ce grand murin et je quitte les lieux, conscient du dérangement occasionné par ma lampe. Je ne sais pas lequel de nous deux a été le plus ébloui!

 

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart