Carnet rose
Carnet rose

Comme je l’ai raconté dans un précédent blog, j’observe cette année, avec une grande assiduité, le processus de nidification d’un couple de grèbes huppés. Après les parades, l’édification du nid et les accouplements, j’ai noté la ponte du premier œuf à la fin du mois d’avril. J’ai donc hâte d’arriver au port ce matin, car d’après mes calculs, il devrait y avoir une éclosion.

En arrivant sur l’estacade, je m’assieds à côté du nid. Les oiseaux ne montrent aucuns signes d’inquiétude. J’ai passé tant d’heures assis là que ma présence ne semble plus les déranger. La femelle couve et je constate d’emblée que le port de ses ailes n’est plus le même qu’auparavant. Les plumes de son dos sont hérissées et les ailes légèrement relevées dévoilent des motifs alaires blancs. Le mâle qui stationne sur l’eau à proximité, se repose, fait sa toilette ou plonge pour ramener des plantes qu’il entasse sur le nid. Le moment est paisible. J’entends alors pour ma plus grande joie, des petits «piu… piu… piu…» doux et réguliers qui proviennent du dos de la femelle.

J’ai le plaisir de vous annoncer la naissance d’un poussin de grèbe huppé au Port Noir, le mercredi 28 mai 2019. Les deux parents se portent bien. Trois œufs sont encore sur le nid et attendent d’éclore…

Je suis impatient de découvrir le poussin qui se cache encore sous les ailes de sa mère.

Une tête blanche et laineuse striées de marques noires émerge soudain. Sur le front une petite tache rouge et au bout du bec, un diamant qui lui a permis de briser sa coquille…

Quelle merveille!

Le mâle, en se toilettant, prélève une petite plume et vient la proposer au poussin qui l’ingurgite. Le tapis de plumes dans l’estomac du petit le protégera sans doute des blessures occasionnées par les arêtes de poissons. Plus tard c’est un alevin de quelques centimètres que le mâle lui apportera. Comment fait-il pour pêcher de si petits poissons ?

La femelle se dresse, me dévoilant sa ponte entre ses grosses pattes lobées. Elle s’ébroue, retourne ses œufs avec précaution et se repositionne confortablement sur le nid pour couver. Le petit grèbe, mal arrimé, a dégringolé lors de l’opération et se retrouve sur le bord du nid. Il rejoint l’eau et se précipite en piaillant vers son père, pour disparaître dans les plumes de son dos.

Après avoir dessiné un moment, je m’en vais ravi, mais une sourde inquiétude m’envahit, car tout me semble fragile et précaire dans l’installation de ce nid sur les cordes d’une embarcation amarrée à un ponton.  Avec les beaux jours, le bateau pourrait partir à tout moment, laissant le nid sombrer dans l’eau…

J’espère que cela n’arrivera pas. Je devrai revenir très bientôt pour m’en assurer.

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart