Ça sent la fin, l’arène nous appartient.
Ça sent la fin, l’arène nous appartient.

Après une quinzaine de représentations, il faut se rendre à l’évidence: la fin de la Fête approche à grand pas. Nos sorties de scène ressemblent chaque fois un peu plus à des crève-cœur. On y resterait bien, finalement, sur ce plancher LED, à se laisser porter par les chœurs et les musiciens, à observer les réactions des spectateurs, à se laisser submerger par l’émotion.

Alors pour faire durer un peu le plaisir, après chacun de mes passages dans le tableau de la Saint-Martin, je m’en vais traîner mes guêtres sous l’arène. C’est un véritable dédale que nous connaissons désormais, mes enfants et moi, comme notre poche. Avec le temps, régisseurs et chargés de sécurités sont moins stressés et nous laissent prendre nos aises. Nous avons appris quelques règles tacites du monde du spectacle, connaissons par cœur les surnoms des techniciens, et avons désormais l’agréable sensation de nous sentir chez nous, dans cette arène.

Chaque midi, chaque soir, les gestes se répètent, et c’est chaque fois un régal. Se faire frôler par une nuée de papillons – les enfants-choristes – qui n’ont que quelques minutes pour passer d’un côté à l’autre de l’arène pour rejoindre le tableau suivant. Apercevoir, derrière les immenses larmes gonflées d’air, une amie de la troupe des Cent pour Cent, toute de rouge et blanc vêtue, qui tape le carton, un verre de blanc à ses pieds. Passer devant le légendaire Raoul Colliard, qui tient le rôle de l’Armaillis 1819 – les quelques phrases qu’ils prononcent sur scène me tirent à chaque fois les larmes. Croiser nos épatantes petites voisines costumées en étourneaux, le visage en feu à force de porter, ramasser et pousser les accessoires tout en battant des ailes. Elles dégoulinent mais elles gardent le sourire. Ralentir l’allure pour détailler les visages des solistes du Ranz des vaches qui attendent leur heure de gloire, ajustant micro et oreillette. Tirer la manche de mon gamin qui reste scotché devant les panneaux blancs séparant les loges des coursives qui sont désormais recouverts de graffitis, de messages d’amour, de dessins, de dédicaces. A la porte Nord-Ouest, lancer un « Salut!» aux vignerons-conducteurs de tracassets qui sortent de l’arène, à toute blinde. Puis, pendant que mes gamins se précipitent sur le pédalo qui sert dans le tableau des Marins, s’asseoir sur les marches qui montent vers les gradins. Entendre les cloches des vaches qui arrivent pour le tableau tant attendu du Ranz des vaches. Fermer les yeux. Se dire qu’on est chez soi, ici, dans l’arène.

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller