Bocaux ou répétitions, telle est la question
Bocaux ou répétitions, telle est la question

L’autre soir, en descendant à la cave, j’ai du me rendre à l’évidence. Mon placard à confitures est bientôt vide. Il faut dire que cette année, avec toutes ces répétitions pour la Fête des vignerons, je n’ai guère eu l’occasion de cueillir fraises, rhubarbes ou cerises et encore moins de confiturer.

Alors mercredi dernier, comme les grosses chaleurs étaient passées et que ni orages, ni répétitions n’étaient annoncés pour l’après-midi, je me suis rendue au self-cueillette d’Attalens (FR), chez la famille Perroud, à quelques encablures de Vevey. Je plonge donc avec plaisir mes mains dans les fraisiers, à la recherche de fruits bien mûrs, profitant d’un répit bienvenu dans le rythme infernal que dicte cette participation à la fête, avec les impératifs du travail, la fatigue qui s’accumule, les inquiétudes liées à l’organisation familiale de l’été, etc.
Mais tout à coup, j’entends une voix d’enfant, quelques rangs plus loin, fredonner un air qui me fait aussitôt relever la tête

Dans notre main, l’esprit de la terre
Dans notre esprit, le fruit de la terre,
Les grains, la chair, le cœur de la terre
Sur le chemin, l’odeur de la terre

Ce n’est pas vrai, ne me dites pas que La Fête des Vignerons s’invite jusque dans les champs de fraises! C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de reprendre les paroles de ce chant écrit pour le spectacle par Blaise Hofmann. Le petit me jette un regard étonné, tandis que sa maman amusée me lance: « Alors vous, c’est sûr, vous faites la Fête des Vignerons…»

S’ensuit une discussion animée – un incontournable quand des figurants de la Fête se rencontrent – sur les rôles des uns et des autres, le placement dans l’arène, les anecdotes. Dans un élan tout aussi spontané, quelques cueilleurs enjambent les rangs pour venir se joindre à la conversation. Tous connaissent quelqu’un qui en est. Tous ont leur avis sur le sujet. Pendant ce temps, l’enfant, la tête dans les fraisiers, poursuit son tour de chant, déclenchant l’hilarité générale – rires émus, il faut bien le dire – quand il décide de s’attaquer, de sa voix fluette, au Ranz des vaches.

Quant à mon panier, il ne se remplit guère … Je laisse donc les cueilleurs à leurs discussions et je me remets à l’ouvrage, quelques instants durant. Mon natel se met alors à vibrer. C’était trop beau. Vous l’aurez deviné, l’alerte provient… de la Fête des Vignerons! On m’informe de la réorganisation des répétitions des jours à venir et des recommandations en termes de maquillage ( !) – Il me faut rentrer sans tarder. On dirait bien que mes bocaux resteront vides cette année.

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller