Reportage
Besoin d’aide? Une jardinière à tout faire s’occupe de votre lopin de terre

L’été venu, difficile de trouver le temps et l’énergie d’entretenir sa parcelle. De plus en plus d’indépendants, qualifiés ou non, proposent leurs services. Un appui précieux et complémentaire au métier de paysagiste.

Besoin d’aide? Une jardinière à tout faire s’occupe de votre lopin de terre

Tondeuse, débroussailleuse, taille-haie, sécateur et râteau. Dans la remorque de Lorraine du Pasquier, les outils de jardinage sont soigneusement disposés. Et pour cause, cette pro de l’organisation en a fait son métier. Indépendante depuis plus d’un an, la Vaudoise entretient les plates-bandes d’une trentaine de clients d’Yverdon-les-Bains (VD) à Neuchâtel, trois jours par semaine. Baptisée Jardi L’Or, sa petite entreprise a le vent en poupe. «De plus en plus de gens veulent avoir un lopin de terre, mais la plupart d’entre eux n’ont pas assez de temps ou de connaissances pour s’en occuper, relève-t-elle. C’est là que j’interviens!»
Ce matin, la trentenaire se rend à Villars-Burquin (VD), chez la famille Lauener. Économiste et maman de trois enfants, Véronique est ravie de la voir arriver. «Jardiner était devenu une corvée, je ne voyais plus que les mauvaises herbes. Grâce à Lorraine, mon mari et moi avons davantage de temps libre. Et quand nous nous absentons, elle s’occupe de tout!» Manches retroussées et sourire aux lèvres, la principale intéressée aura de quoi faire cet été. Au programme: désherber la rocaille et le rosier, tailler le chèvrefeuille et fabriquer un tuteur pour les framboisiers. Soit l’entretien régulier des alentours de la villa, des gestes répétitifs et souvent rébarbatifs, pourtant essentiels à la santé du jardin. «Le reste de l’année, je peux me charger du nettoyage des dalles ou du ramassage des feuilles si nécessaire. C’est un travail fatigant, mais je le fais avec le cœur.»

Pour vacanciers et retraités
Fille d’un couple de viticulteurs, cette habitante de Concise (VD) a travaillé plus de dix ans dans la vente avant de se reconvertir en jardinière à tout faire. Autodidacte, elle ne bénéficie d’aucune formation, excepté un cours de taille et de soin aux arbres fruitiers, suivi l’hiver dernier. «Je préconise les solutions naturelles telles que le purin d’ortie et autres décoctions. En revanche, je n’applique aucun traitement chimique, qui nécessite une expertise professionnelle», souligne-t-elle. Pendant la période estivale, celle qui est aussi maman d’une fille de 13 ans est régulièrement contactée pour arroser et cueillir les légumes des potagers de certains vacanciers. Sans compter les nombreuses demandes de retraités peinant à entretenir leur propriété, à l’image de Josiane Kaeser, 77 ans: «À mon âge, je ne peux plus me baisser pour travailler. Mais j’aime que mes espaces verts soient beaux et propres. Son aide est la bienvenue.»
Si les propriétaires de jardin font de plus en plus appel à une personne extérieure pour entretenir leur parcelle (voir encadré ci-dessous), il en est de même pour les détenteurs d’une terrasse ou d’un balcon, souhaitant eux aussi avoir leur coin de verdure. Didier Joly-Pottuz, à la tête de l’entreprise Jardin et décoration à Genève, s’est spécialisé dans ce domaine. «Nous nous occupons de l’aménagement et de l’entretien des bacs et plantes en pot. Même en ville, les gens veulent de la végétation. C’est dans l’air du temps, se réjouit-il. Je me déplace pour tous types de travaux, de l’arrosage pendant les vacances à la mise en pot de géraniums.»

Garden-sitter dévouée
Malgré une forte demande, certaines sociétés de paysagisme rechignent toutefois à effectuer ces tâches simples, jugées trop chronophages. Bruno Vieira, de chez Freitas Paysagiste à Lausanne, confirme: «Lorsque nous sommes occupés avec un grand chantier, il nous arrive de décliner ce genre de mandats ou d’arriver une semaine plus tard. Nous ne prenons pas le risque de perdre un client important.»
Dans ce contexte, Lorraine du Pasquier a su tirer son épingle du jeu. «Je comble un réel besoin en apportant régulièrement mon aide à ces familles. Mais je ne fais pas de l’ombre aux paysagistes, qui sont davantage spécialisés dans les travaux techniques de grande ampleur. Nous sommes complémentaires.» Avec un prix de 50 francs de l’heure en moyenne, contre environ 70 francs pour une entreprise agréée, la jeune femme ne vit pas encore de son activité, notamment en hiver, période la plus calme de l’année. S’ajoutent alors quelques heures de baby-sitting et de ménage à son emploi du temps chargé. «J’ai pris un risque en me lançant tête baissée, mais je ne regrette pas, assure-t-elle. Le bouche à oreille commence à porter ses fruits.»
Disposée à accompagner ses clients acheter leurs plants et à jardiner en leur compagnie, la «garden-sitter» aux conseils avisés sait se faire apprécier. Véronique, elle, en est enchantée. «Lorraine a carte blanche pour entretenir notre terrain. Les voisins la connaissent et les enfants l’apprécient. Elle est ici chez elle, je lui ai laissé les clés.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

En concurrence

Le nombre de jardiniers indépendants est en augmentation en Suisse romande. Deux catégories existent: les professionnels issus de la branche et les non-diplômés. Moins chers, ces derniers peuvent toutefois effectuer un travail de moindre qualité, avise Baptiste Müller, secrétaire de JardinSuisse Vaud: «Il reste nécessaire de consulter un expert pour éviter tout mauvais traitement.» Largement répandu, le travail au noir est en revanche considéré comme de la concurrence déloyale. «Nous sensibilisons les propriétaires, tout en organisant des contrôles fréquents. Mais ce phénomène est difficile à gérer.»

Questions à...

Stéphane Lattion, président de JardinSuisse Valais et gérant de l’entreprise de paysagisme Lattion & Veillard, à Collombey-Muraz

  • De plus en plus de personnes confient l’entretien de leur jardin à des tiers. Pourquoi?
    Les propriétaires de jardin travaillent souvent à plein temps et sont peu disponibles pour des travaux de jardinage. Le manque de connaissance est une autre raison. Les générations précédentes entretenaient un fort lien avec la terre. Il existait une fierté de cultiver ses plates-bandes. Aujourd’hui, on préfère avoir du temps libre.
  • Les jardins sont pourtant de plus en plus sophistiqués…
    Effectivement. Le niveau de vie a augmenté et les ménages allouent un budget important à leur parcelle. Les plantes et les matériaux sont variés. L’entretien est plus technique. Beaucoup préfèrent donc s’en remettre à des spécialistes pour que leur jardin s’épanouisse.
  • Est-il profitable pour une entreprise d’effectuer ces travaux?
    Contrairement à certaines sociétés, nous ne refusons aucun chantier, même s’il s’agit d’un simple désherbage. Tout travail bien fait attire des clients. Mais il faut être organisé. Parfois, nous devons nous rendre dans cinq jardins en une journée. Ces travaux représentent 25% de nos mandats et ce chiffre augmente, même si des indépendants se lancent sur ce marché.