«L’homme qui n’était pas un meurtrier se tenait sur la terrasse de son chalet d’alpage. Seul. Personne dans les environs.» Ainsi débute Le dragon du Muveran, ce polar 100% romand paru l’an dernier qui a fait connaître les Alpes vaudoises au monde francophone.
C’est précisément devant ce chalet que nous retrouvons Marc Voltenauer. Parce que l’auteur de ce roman, qui a dépassé les 24 000 exemplaires vendus, a choisi d’ancrer son récit dans la réalité: les lieux autour desquels l’inspecteur Auer traque un impitoyable tueur existent tous. Aujourd’hui, tout comme dans la scène d’ouverture du polar, nous sommes seuls sur le pâturage de Frience. Derrière nous, la silhouette du vieux chalet est estompée par un épais brouillard. «L’ambiance est de circonstance, sourit le Genevois. Par beau temps, la vue aurait été splendide, mais  l’atmosphère bien moins mystérieuse!» Pour le panorama, on repassera. En ce maussade après-midi d’automne, le Grand Muveran ne daignera pas se montrer.
«Il y a quelques années, lorsque j’ai découvert Gryon, j’ai immédiatement pensé que ce village ferait un formidable cadre de récit policier, confie Marc Voltenauer en suivant le chemin caillouteux qui descend en pente douce à travers l’alpage. J’aime l’ambiance des polars nordiques, qui se déroulent souvent à huis clos. Peut-être est-ce parce que je suis à moitié Suédois…» La brume se fend pour laisser apparaître une rangée d’arbres. Sur le sentier qui s’enfonce dans la forêt, l’auteur raconte la légende qui l’a inspiré. L’histoire de ce dragon qui, lors des nuits de pleine lune, surgit de derrière le Muveran pour survoler le village de Gryon, faisant fondre neige et glace de son souffle brûlant.

Surprenantes gargouilles
Masquant les repères, le brouillard ne facilite pas l’appréciation des distances. Depuis combien de temps marchons-nous? Difficile à dire. Mais nous ne sommes pas perdus: voici les premières maisons qui annoncent le village. Un long mur, puis une grille de fer forgé signalent le cimetière. Un autre lieu emblématique du roman, bien sûr, rendu d’autant plus sinistre par la météo du jour.
Entre les façades de vieux bois, les rues sont désertes. Nous passons devant un beau chalet du XVIIe siècle, puis le Café Pomme. Le meurtrier de la fiction s’y attable parfois et, l’air de rien, écoute hurler les sirènes des voitures de police. Dans la réalité, c’est surtout un charmant bistrot dont la terrasse colorée regorge de vie… lorsque le soleil est de la partie!
Les ruelles se font étroites, le relief abrupt, les maisons élancées. Nous approchons du but de notre promenade: le Fond-de-Ville. Le centre historique du village de Gryon s’articule autour de la flèche de pierre du temple, l’un des rares édifices à avoir résisté à l’incendie qui ravagea le hameau en 1719. Est-ce parce que l’on se souvient que ce lieu est le cadre d’une macabre mise en scène dans le récit que l’on trouve l’atmosphère glaçante? Seul le bruit de l’eau qui s’écoule dans les deux bassins de granit trouble le silence de cette fin de journée. «Regardez, juste là!», chuchote Marc Voltenauer en pointant du doigt l’avant-toit qui abrite l’entrée du lieu sacré. A chaque coin, les gouttières se terminent par de petites gargouilles en forme de dragons…
«Alors, vous préparez le deuxième volume?» lance une habitante du quartier en reconnaissant l’auteur. Avec un sourire, Marc Voltenauer lui répond par l’affirmative. Avant de nous dévoiler un indice exclusif: «Quelques scènes du prochain tome mettront le monde agricole à l’honneur…»

+ d’infos  www.marcvoltenauer.com