Avec ses étroits lacets, la route qui grimpe de Martigny à Salvan offre, en l’espace de quelques minutes, un dépaysement total avec la plaine du Rhône. Les pentes se font abruptes et les gorges profondes, la végétation prend soudain un air méditerranéen. Du village de Salvan construit sur un léger plateau, on part à pied à la découverte de ces curieuses formations géologiques que sont les marmites glaciaires. Après avoir rejoint le village des Granges, aux maisons entourées de jolis jardins, notre ligne d’horizon survole une belle combe avant de buter sur l’imposant massif des Dents-de-Morcles. À l’entrée du pâturage de Savenay, une mention «Marmites glaciaires» nous invite alors à bifurquer sur la gauche où un étroit sentier nous mène en quelques marches dans la forêt. Il vaut la peine de suivre ce tracé plutôt que de couper directement à travers prés: une nuée de rochers impressionnants, disséminés dans le sous-bois, façonnent en effet le décor en place de jeu idéale pour une partie de cache-cache.
Plus loin, sur les bords de la grande faille au fond de laquelle coule la Salanfe bientôt transformée en cascade de la Pissevache, une succession de volées d’escaliers se font remarquer. Arrimées dans la paroi opposée, elles suivent le parcours sinueux des gorges dites du Dailley. Une prolongation intéressante de l’itinéraire que nous suivons aujourd’hui.

La patine du temps  
Assis sur un banc au sommet de la Tête-des-Crêtes, à l’ombre de pins aux ramures élancées qui ont pris possession de cette roche polie, la plaisante impression de se trouver au cœur d’un paysage du sud refait surface. Lézards et papillons semblent aussi apprécier ce lieu sec et bien ensoleillé. On domine alors de 600 mètres la plaine du Rhône d’où monte la rumeur sourde du trafic et des activités humaines. Cachées par le relief, les marmites glaciaires se trouvent à quelques mètres sur la gauche, du côté de la gorge. On reste un peu perplexe en observant le dénivelé de près de 300 mètres qui sépare la Salanfe de ces cuvettes circulaires creusées dans le socle rocheux. À l’évidence, une rivière coulait ici il y a des milliers d’années. Dans un paysage certainement fort différent. En tournoyant sur eux-mêmes par la force du courant, roches et graviers ont ainsi érodé la pierre pour sculpter ces formes géométriques quasi parfaites. De retour à Salvan par le même chemin qu’à l’aller, une jolie suite à cette balade vaut bien l’heure de marche supplémentaire. Derrière l’église du village, un panneau nous dirige vers les Rochers-du-Soir. On découvre alors, sur un premier tronçon transformé en sentier didactique, que Guglielmo Marconi, Prix Nobel de physique en 1909, réussit ici ses premiers essais de télégraphie sans fil (TSF). Un musée l’honore d’ailleurs dans le village.

L’appel du cerf
Un peu plus loin, au départ de la piste Vita, un sentier part sur la droite, en bordure de prairie, pour former une boucle à travers les Rochers-du-Soir. La roche grise prend parfois la forme de longues échines de dinosaure. Les pins se mêlent aux chênes et aux merisiers dont le feuillage vire maintenant à l’orange. Du cœur de la zone de prairie envahie de petits pierriers et de broussailles montent les stridulations légères d’une multitude d’insectes. Avec le jour qui tombe, le ciel rosit les sommets alentour. Les pentes forestières qui dominent Salvan et Les Granges se transforment en une masse sans relief de plus en plus sombre. Une voix s’en élève. Un appel caverneux qui remue les entrailles. Un cerf vient de lancer son brame.