berne, Grindelwald

Cap sur la dernière étape: Meiringen

Depuis le début du mois de juillet, les journalistes de «Terre&Nature» se sont relayés sur ce parcours à ­travers les Alpes. Un périple qui les a menés des Préalpes vaudoises au cœur de l’Oberland bernois.

Reliant Grindelwald à Meiringen, l’ultime partie de notre périple le long de la Via Alpina nous emmène d’un «dernier problème» à un autre. Non pas que cette étape se soit révélée piégeuse d’aucune façon. Au contraire, hormis la montée plutôt raide vers le col de la Grosse Scheidegg, en début de balade, ces 23 kilomètres ne comptent que de la descente. En réalité, les problèmes dont il est question sont historiques… et littéraires.

L’Eiger, un défi!
Le premier «dernier problème» qui nous accompagne durant cette randonnée, c’est la paroi nord de l’Eiger, écrasant la station de Grindelwald de ses 1600 mètres encore dans l’ombre. Une dalle verticale et irrégulière qui, une fois que les principaux sommets des Alpes eurent tous été conquis, devint l’un des défis non résolus dignes de ce nom pour les alpinistes des années trente. Le Munichois Anderl Heckmair écrivit que cette face constituait «l’un des trois derniers problèmes des Alpes» avec celle du Cervin et celle des Grandes Jorasses. Son livre est devenu un classique de la littérature alpine, et l’expression a fait florès. On y pense alors que l’on gravit le sentier plutôt raide nous menant au col de la Grosse Scheidegg, en coupant les épingles de la route sur laquelle transpirent des cyclistes parfois ralentis par des vaches sans grand intérêt pour le sport. De temps à autre, un car postal donne de la voix avec sa fameuse mélodie. À chaque fois que l’on se retourne, Grindelwald se fait un peu plus petit – mais l’Eiger semble au contraire devenir plus élevé et massif. On passe l’hôtel Wetterhorn sans s’arrêter: la route est encore longue, il serait dommage de se couper dans son élan. L’Eiger a perdu de son aspect menaçant lorsqu’on parvient au col, près de trois heures après le départ. Sans se laisser tenter par la carte du restaurant, on se contente d’un Sinalco à la petite buvette. Quand on pense qu’en 1840, au temps où les premiers touristes se risquaient sur ce qui n’était alors qu’une simple trace muletière, la première auberge érigée ici même valut une forte amende à son tenancier pour s’être passé des autorisations nécessaires… Le saint homme mériterait en fait une stèle.
Devant nous s’ouvre la vallée du Reichenbach. Désormais, le sentier ne fera plus que descendre. D’abord en serpentant à travers les pâturages que surplombe une autre barrière rocheuse, celle du Wellhorn, brisée çà et là par les séracs du glacier de Rosenlaui. Ensuite, une fois passé Schwarz­waldalp, il se cale sur la rivière – torrent de plus en plus discipliné à mesure que la vallée s’aplanit. Mais à l’approche de Meiringen, la vallée se brise sur une falaise irrégulière de 500 mètres de haut recouverte d’une forêt dense. Le Reichenbach s’y lance comme un furieux! La cascade est si spectaculaire qu’elle frappa l’esprit de l’écrivain Arthur Conan Doyle au point d’en faire le théâtre de la mort de son héros Sherlock Holmes au terme d’un combat avec son ennemi juré Moriarty. Le titre de cet épisode qui causa le désespoir des fans du détective? «The last problem», Le dernier problème en français. Élémentaire, mon cher Watson!

Le but est atteint
Prudent comme le comparse de Holmes, on se contentera d’admirer la chute bouillonnante avant de rejoindre Meiringen par l’autre côté. La cité célèbre évidemment sous toutes ses formes le passage fictif du héros anglais, notamment dans un petit musée non loin de la gare. Pour fêter la fin de notre périple sur la Via Alpina, on préférera s’octroyer une grosse meringue chantilly – autre spécialité locale, en vertu d’une proximité étymologique assez douteuse entre meringue et Meiringen. Qu’importe, elle descend sans problème.

+ D’infos Le dernier problème et autres aventures de Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions Gallimard; Les trois derniers problèmes des Alpes, Anderl Heckmair, Éditions Arthaud.

étapes

Grosse Scheidegg

Point culminant de ce segment de la Via Alpina,
le col de la Grosse Scheidegg s’ouvre sur la tranquille vallée du Reichenbach.

Le chalet de Rosenlaui

À mi-parcours environ, le chalet de Rosenlaui fabrique du fromage issu des alpages supérieurs.

Cascade

Au bout de la vallée, la rivière se mue en cascade furieuse.

Meiringen

Puis on rejoint Meiringen, 500 mètres plus bas. Et c’est déjà la fin de notre périple alpin..

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

infos pratiques

Y aller

Train/voiture jusqu’à Grindelwald via ­Interlaken. Parking payant dans le village. Retour: train Meiringen-Grindelwald (1 h 17, via Interlaken Ost, 2 trains/heure 7 jours/7) ou Meiringen-lignes CFF.

Le parcours

23 km, 961 m de dénivelé positif et 1377 m de descente. Possibilité de prendre le bus Grindelwald-Meiringen sur tout le parcours et de faire la descente sur Meiringen en funiculaire.

Se restaurer

Restaurants à Grosse Scheidegg, Schwarzwald-alp, Rosenlaui, Meiringen.