Comme un avion qui décollerait sur la piste de l’aéroport de Sion, nous prenons les airs sur la colline de Mont-d’Orge et son prestigieux vignoble. Partis du Pont-de-la-Morge, nous laissons derrière nous la région de Conthey pour  nous élever en douceur au-dessus de la plaine du Rhône. Au fur et à mesure de notre ascension, nous embrassons tout le Valais du regard, de Martigny à Loèche. Après un bout d’asphalte, vite oublié, nous suivons maintenant le tracé d’un bisse, construit en 1885, et qui achemine l’eau du lac de Mont-d’Orge au flanc sud du coteau. D’origine naturelle, cette étendue d’eau entourée de roselières est un site protégé, abritant une diversité importante de fleurs et d’animaux. Sans trop nous attarder dans ce climat très particulier, nous abandonnons le miroir lacustre dans lequel se reflètent les premières neiges des cimes alpestres pour rejoindre les parchets abrupts surplombant la route qui relie Sion à Savièse. C’est alors que nous tombons sur le premier panneau jaune indiquant le tracé du bisse de Lentine qui nous soulève encore un peu plus à travers le vignoble. En contrebas, la ville de Sion offre son meilleur visage. En cette splendide journée d’automne, le point de vue sur les collines de Valère et Tourbillon est particulièrement avantageux. Dans notre dos, la masse somptueuse du Haut-de-Cry est une présence constante tout au long de notre parcours.
Après une courte et rude montée, nous empruntons maintenant un étroit sentier de terre qui serpente à travers le vignoble. Nous avons rejoint le bisse de Lentine, construit dans les années 1860 et que nous suivons dans le sens contraire à son écoulement. Tantôt à ciel ouvert, tantôt canalisé, il court à flanc de coteau, offrant aux Sédunois un balcon imprenable sur leur ville. Au lieu dit Diolly, un hameau lové dans un paysage essentiellement viticole, et marqué par la présence de murets de pierres sèches, nous prenons la direction du village d’Ormône, situé sur la commune de Savièse.

Sapins enneigés au loin
Désormais entraînés vers le nord,  nous sommes confrontés à un saisissant contraste s’offrant à nos yeux: le liseré glacé des forêts enneigées, du côté des Mayens-de-la-Zour, tranche avec les couleurs flamboyantes des vignes qui grimpent très haut. Et comme pour souligner avec plus de force encore ce passage de l’automne à l’hiver, la nature nous gratifie d’un tourbillon de feuilles mortes aspirées dans l’azur pour une ultime danse saisonnière.
Laissant derrière nous des chemins vicinaux, nous nous engageons désormais dans un environnement plus forestier, au fur et à mesure que nos pas nous rapprochent des rives boisées de la Sionne. C’est dans cette rivière que le bisse de Lentine prend sa source, à 776 mètres d’altitude, avant de filer irriguer les vignobles saviésans et sédunois,  tout au long de ses 3,25 kilomètres. À Drône, on ressent tout à la fois la puissance minérale de la montagne et l’énergie végétale et terrienne de la vigne. La tentation est grande de poursuivre notre chemin en direction de Grimisuat, dont on aperçoit les toits de l’autre côté de la vallée de la Sionne. Mais  il est temps pour nous d’en découvrir le cours en cascade. En freinant des mollets, nous entamons ainsi une descente sans concession en direction du chef-lieu valaisan. La rivière se faufile dans un étroit vallon pour finir par disparaître sous la rue du Rawil, dans les hauteurs de Sion. L’arrivée en ville de Sion est si rapide que l’on a le sentiment d’avoir atterri dans un autre monde. Qu’on était bien «en haut là», comme disent nos amis Valaisans.