grisons, Val Müstair

Balade le long de la rivière Rom

Le Val Müstair s’étale en douceur du col de Fuorn vers le Tyrol italien tout proche. En son milieu coule la Rom, une rivière qui va nous servir de fil d’Ariane pour cette randonnée de deux jours dans les Grisons.

Pour découvrir le premier panneau vert du sentier No 801 «La Riva dal Rom», il faut rejoindre un tournant de la route, 200 mètres en contrebas de l’arrêt postal Süsom Tschierv. Durant les deux jours qui vont suivre, nous allons longer jusqu’à Müstair, quinze kilomètres en aval, l’essentiel du cours de cette rivière libre. Après une sortie discrète et silencieuse d’un marais proche du village, son scintillement nous sert de fil conducteur alors que dans l’agréable fraîcheur matinale, l’incroyable limpidité de l’air surprend. Elle explique le classement par l’Unesco du Parc régional Val Müstair, en association avec son partenaire le Parc national, en réserve Biosphère sous le nom Engiadina Val Müstair. Côtoyant par moments des demeures splendidement décorées dans ce style si typique de l’Engadine, la Rom serpente à travers prés, se calme momentanément pour former des étangs ou louvoie entre des buissons jusqu’à disparaître.

Infidélité passagère à la rivière
Peu tentés, admettons-le, par un cheminement le long d’une route très passante, nous faisons une infidélité momentanée à la rivière peu après Orasom Tschierv pour rejoindre le village de Fuldera. Un peu caché à l’entrée du village, un sgraffite d’une belle facture artistique attire notre attention sur la façade d’une ancienne école. On retrouve aussi cette ornementation gaie et colorée sur la maison communale. Afin de profiter au mieux des paysages grisons à visiter en un temps relativement court, nous décidons de prendre ici le car postal pour Lü, hameau situé à 1920 mètres d’altitude et plus haut site habité à l’année du Val Müstair. Dans le véhicule qui sert visiblement de lien social entre les habitants, mais également avec les gens de passage, la langue romanche résonne étrangement à nos oreilles par ses consonances parfois si proches du français. Comprendre l’entier d’une phrase sans avoir appris une langue à de quoi étonner. Cela pousse forcément au contact qui est des plus sympathiques. Juché sur un vaste plateau qui s’étale au pied du Pic Terza (2909 mètres d’altitude), Lü offre un large panorama sur le Val Müstair, les sommets du Parc national tout proche et quelques hauts pics enneigés du Tyrol italien. On y trouve aussi de nombreuses autres possibilités de randonnées. Quant au charme émanant du jardin et de la terrasse du restaurant du Hirschen (cerf), on ne résiste pas à y faire halte. Dans les pentes vertes sur lesquelles se dressent avec un beau contraste les troncs au ton chaud des mélèzes, la descente à pied sur le village de Valchara se fait au rythme d’une bien agréable flânerie. Des ouvertures dans le massif boisé ouvrent sur les villages de fond de vallée et sur le tracé sinueux de la Rom qui nous attend en contrebas. Nous sommes un peu tard pour profiter d’une flore sauvage connue pour sa grande richesse. Un manque comblé par la présence de chevreuils et l’appel soutenu des geais et des casse-noix.

Le tissage à la main se cultive
Si le cours supérieur de la rivière Rom nous a beaucoup plu par ses paysages largement ouverts et respirant la fraîcheur, le tronçon entre Valchava et Santa Maria Val Müstair nous a proprement ravis ce deuxième jour de randonnée. La rivière longe d’un débit maintenant rapide le pied d’une pente abrupte à nouveau couverte de mélèzes mais également de sorbiers, de chèvre-feuilles, d’épines vinettes et d’aconits, pour ne citer que ces espèces qui à l’automne colorent les lieux. Nous avons donc longuement musardé dans ce milieu, dont nous savions, pour l’avoir un peu étudié, qu’il recelait l’une des plus riches biodiversités de Suisse. Exposé plein sud, le Val Müstair jouit en effet d’un climat doux et sec avec la faune et la flore qui vont avec. Aux moirés, cuivrés et azurés (papillons) s’ajoutent des libellules et, surprise, un mammifère habituellement nocturne fort difficile à voir: le lérot, petit animal masqué de noir, de la famille des loirs. Ce milieu rocheux et riche d’anfractuosités, mais avec une couverture végétale faible, quoique riche de fruits, est parfaitement adapté à ses besoins.
Arrivés à hauteur d’un manège qui borde la rivière Rom, nous franchissons le pont qui conduit au village de Santa Maria Val Müstair. Il va s’avérer charmant. Pour ses maisons, bien sûr décorées, mais aussi par quelques richesses locales. Une centaine de mètres après le pont, nous sommes déjà en vue du Muglin Mall, un vieux moulin dont l’activité a débuté au XVIIe siècle. Puis, dans les ruelles étroites et curieusement sans trottoirs, nous découvrons l’atelier Tessanda. Véritable institution de la vallée, ce centre de formation pour le métier rare du tissage à la main a été créé il y a huitante ans afin de stopper l’exode des jeunes. Sans être pour sa part très culturel, le village abrite aussi une curiosité inscrite au Livre Guinness des Records: le plus petit bar du monde. Il était fermé lors de notre passage, et nous nous sommes rabattus sur le Crusch Alba, autrement dit le restaurant de la Croix-Blanche. L’accueil chaleureux et la cuisine régionale nous y ont longuement retenus. Sa patronne nous donnant par ailleurs d’utiles informations sur les bonnes périodes de l’année pour admirer une certaine flore ou l’emplacement choisi, près du village, par les bouquetins lorsque l’hiver approche.

Visite au lérotin
De retour sur le bord de rivière, 1 h 15 de marche est encore nécessaire pour rejoindre Müstair. Le monastère Saint-Jean-Baptiste en est l’évident point fort, sa visite incontournable. Il est lui aussi classé à l’Unesco depuis 1983. Remontant pour certaines à la fin du IXe siècle, soit à la création du monastère, et pour d’autres à 1160, les fresques romanes et carolingiennes qui ornent ses murs sont de véritables trésors. Dans les rues de la petite ville pratiquement posée sur la frontière avec le Tyrol italien, un établissement retient aussi l’attention, la Chasa Chavalaina, une auberge vieille de 700 ans chargée d’histoire.
Gardez ça pour vous, mais le soir venu, à la faveur de l’obscurité, nous n’avons pu résister à une folle envie. Venir au Val Müstair et ne pas tenter de voir un mammifère rarissime en Suisse n’aurait pas été raisonnable. Proche parent de l’espèce rencontrée le matin, le lérotin habite cette vallée dont c’est la répartition la plus occidentale pour toute l’Europe. Lampe frontale sur la tête nous avons bien croisé des grenouilles rousses placides, de fugaces chauves-souris, des limaces immobiles et des papillons nocturnes qui ne tenaient pas en place. De lérotin, point. Pas de gros regrets tout de même, car, comme l’on dit ici en sortant du car postal: «Grazcha fich ed a revair!» Et oui, nous reviendrons dans les Grisons!

étapes

Un art local engadinois

Les décorations en sgraffite qui ornent la plupart des maisons donnent un charme tout particulier aux villages engadinois. Les dessins sont creusés au couteau et au stylet dans une couche de chaux claire.
+ D’infos www.lebendigetraditionen.ch

Le Musée de Chasa Jaura

Installé à Valachava dans l’une des plus belles fermes du val, le musée historique de Chasa Jaura raconte l’histoire locale et abrite des objets parfaitement conservés de l’habitat paysan et de l’artisanat local.
+ D’infos www.chasajaura.ch

Romanches au pluriel

Le canton des Grisons compte cinq langues romanches distinctes. Le Wallader ainsi qu’un dialecte, le Jauer, sont parlés dans le Val Müstair de Basse-Engadine.
+ D’infos www.scuol-zernez.engadin.com

La Biosphera Val Müstair

La région du Val Müstair a été classée en Parc naturel régional à partir de 2011. Associé au Parc national suisse, l’ensemble constitue la première réserve alpine de biosphère de l’Unesco pour la Suisse.
+ D’infos www.parks.swiss

Pizzoccheri et autres spécialités culinaires

La cuisine grisonne compte plusieurs spécialités, notamment les ­pizzoccheri, les maluns ou les capuns pour les plats principaux et le gâteau aux noix comme dessert.
+ D’infos www.engadin.stmoritz.ch

Saint-Jean-Baptiste

L’édification du monastère de Müstair remonte à l’an 780. Le grand ensemble de fresques figuratives du haut Moyen Âge qui orne ses murs lui a valu son ­classement au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1983.
+ D’infos www.muestair.ch

Texte(s): Daniel Aubort
Photo(s): Daniel Aubort

infos pratiques

Y aller

En transports publics
Ligne CFF Via Zurich, Landquart, puis par les Chemins de fer rhétiques jusqu’à Zernez. De Zernez service de car postal pour Müstair (1 h).
En voiture
Trajet de 500 km, via Berne, Zurich, Landquart, Coire, Saint-Moritz, Zernez et Müstair.

Le parcours

Parcours sans difficulté sur 2 jours pour 25 à 30 kilomètres de marche selon les sites visités. Jour 1: Tschierv, Fuldera, Lü et Valachava. Jour 2: de Valchava à Müstair via Santa Maria Val Müstair. Carte OFT Nos 1239 Santa Maria et 2240 Müstair.

Se restaurer

Nombreux restaurants et hôtels dans le val Müstair. Pour une cuisine régionale: Restaurant Crusch Alba à Santa Maria (tél. 081 858 51 06), Restaurant Hirschen à Lü. (tél. 081 858 51 81), Hôtel Central La Fainera à Valchava (tél. 081 858 51 61).