genève, Satigny

Balade dans les vignes de l’Évêque aux confins de Genève

Le vignoble du Mandement, situé à quelques minutes à peine du centre de Genève, promet au marcheur un dépaysement total. Ses paysages rappellent à la fois les vignes du sud de la France et celles de la belle Toscane.

Quand on pense à Genève, on visualise immédiatement son jet d’eau jaillissant au-dessus du tumulte de la ville. On oublie un peu vite sa campagne et surtout son vignoble, qui font de ce canton la troisième plus grande région viticole du pays. Une raison de plus, s’il en fallait une, de découvrir la rive droite du Rhône, où les vignes du Mandement s’étendent à perte de vue. Partons de Satigny, une commune située à seulement une dizaine de minutes de la gare Cornavin: ses 439 hectares de vignes en pente douce, consacrées à la culture du chardonnay, du pinot noir ou encore du garanoir, font d’elle la plus grande commune viticole de Suisse. Le jour de notre balade, les bourgeons viennent de faire leur apparition sur les ceps soigneusement alignés, apportant une touche de vert tendre à ce paysage étonnant. D’ici proviennent près de 80% des vins du canton, perpétuant la tradition des lieux.

Des bâtisses d’exception
Depuis des siècles, les terres du Mandement – qui furent celles de l’évêque de Genève – approvisionnent l’ensemble de la région. Les Genevois ont d’ailleurs pris l’habitude de venir s’y prélasser depuis le XVIIe siècle. Nous décidons donc de perpétuer cette tradition, le temps d’une escapade dépaysante. Notre chemin nous mène d’abord à Bourdigny-Dessous, un charmant hameau aux routes bordées d’arbres majestueux, d’où on aperçoit à la fois le Salève, le jet d’eau, mais aussi la crête du Jura. Elle nous donnera le cap à suivre ce matin-là. Le long du sentier viticole menant à Choully, le hameau voisin, des panneaux didactiques nous informent de la présence de chouettes chevêches et de huppes fasciées, mais aussi des différents cépages prenant leurs aises dans le secteur. Gardons l’œil ouvert! Du ciel, on passe à la terre, à l’origine des spécificités de nombreux crus. Le sol en calcaire blanc forge le caractère des vins de la région, l’un des trois secteurs viticoles de Genève. Quelques foulées de plus et nous voilà arrivés à Choully. Le temps paraît s’être arrêté dans ce hameau, véritable bijou. Chaque maison semble receler une cave, que l’on aimerait bien visiter, au risque de ne pas arriver à la fin de notre balade. On s’accorde quelques minutes pour admirer les lierres et les glycines escalader les murs avant de continuer notre route. On laisse le château d’eau – sur lequel on ne peut malheureusement pas monter pour admirer la vue – derrière nous pour descendre le chemin en direction de Peissy, prochaine halte de notre itinéraire. C’est alors qu’un décor étonnant nous attire. Au cœur du village, une façade d’église, surmontée d’un clocher-peigne, se dresse, seule, face à la route. Où est donc passé le reste du bâtiment? On apprend alors que l’église Saint-Paul, datant du XIIIe siècle, a été démolie en grande partie en 1830, ne devenant plus qu’une discrète silhouette dans ce paysage empreint d’histoire.

Du vallon à la crête
Les belles bâtisses se suivent, ravissant nos mirettes. On quitte momentanément les vignes pour se diriger vers le Jura, dans le but de rejoindre les Grands-Bois. Le sentier plonge alors en direction d’une rivière, qui semble s’écouler tranquillement quelques mètres en contrebas. Nous nous retrouvons dans le sauvage vallon de l’Allondon, que l’on traverse grâce à un pont de pierre imposant, placé à cet endroit stratégique en 1842 déjà. On suit son cours pendant près d’un kilomètre, l’occasion d’admirer la flore et la faune de cette réserve, d’une grande richesse, où s’est niché le Centre nature de Pro Natura. De petites plages invitent le randonneur à y tremper les pieds, avant de repartir à l’assaut de la côte menant jusqu’au hameau de Malval.
Les moins pressés prendront le temps de visiter la chapelle, érigée autour de 1300, au pied de la colline, avant de la gravir. Elle aurait été construite sur les vestiges d’une ancienne église dédiée à sainte Marie-­Madeleine, aujourd’hui entourés de ceps. Une fois sur la côte, on retrouve son souffle en profitant de la vue dégagée du lieu, avant de continuer notre marche en direction d’Essertines, en enjambant le ruisseau du Crêt.
Le vignoble se fait alors discret, cédant sa place quelques instants aux grandes cultures et aux chevaux paissant tranquillement, avant de reprendre ses droits sur les coteaux les plus ensoleillés du village. On le traverse une dernière fois avant de pénétrer à nouveau dans les bois. Un sentier escarpé nous amène au lit du ruisseau de Roulave, juste avant qu’il ne se jette dans l’Allondon.

Petite pause au pied du château
Une fois arrivés au fond du vallon, nous voilà prêts le quitter aussitôt. On entame la montée jusqu’à Dardagny, commune aux confins de Genève, en profitant de l’ombre des arbres. À peine est-on sorti des fourrés que l’on retrouve les vignes, qui semblent à chaque fois nous entourer. La forêt de feuillus est vite remplacée par celle, étrangement géométrique, formée par les lignes d’échalas. Elles s’étirent à perte de vue jusqu’à la frontière française, toute proche.
Le patrimoine agricole de Dardagny n’a d’égal que la beauté de son patrimoine bâti. On ne peut ignorer son monumental château, abritant aujourd’hui la mairie et l’école. Or, au XIIIe siècle, il n’en était pas un. À cet endroit se trouvaient en réalité deux maisons fortes, séparées par une ruelle. Une absurdité pour le nouveau propriétaire des lieux qui décida un jour de les unir par une galerie et une tour d’escalier, un résultat fort joli, que l’on peut admirer encore aujourd’hui, grâce à la mobilisation de la population. En effet, son histoire ne s’arrête pas là: le vénérable monument a bien failli disparaître en 1904, lorsque la commune a voulu le démolir. On ne peut que se réjouir qu’elle y ait renoncé.

Retour à la réalité
Nous reprenons la route, pour la dernière étape. On quitte ce charmant village par le chemin de Brive puis celui de Combarat, où l’on retrouve un vignoble en pente douce. En le longeant, on arrive à un cordon boisé, dans lequel s’engouffre notre sentier. La végétation rappelle soudain le sud de la France, et on n’est pas étonné de voir des ânes paître un peu plus bas, dans cette chassagne un peu sèche, de laquelle semblent s’échapper des chants de grillons.
Nous touchons au but, il ne reste que quelques mètres à gravir avant d’arriver au belvédère surplombant La Plaine. La vue plongeante sur les méandres du Rhône, d’un bleu turquoise, laisse une très belle dernière impression de calme et de sérénité, avant de rejoindre l’agitation de la ville. La descente jusqu’à la gare traverse une dernière fois les vignobles, très pentus, du Mandement, où doreront bientôt les grappes de sauvignon blanc, dans ce vignoble décidément de toute beauté.

+ D’infos www.geneveterroir.ch/index.php/fr/cavesouvertes2019

étapes

Domaine des Vignolles

La famille Vulliez prend soin de son domaine à Bourdigny depuis cinq générations. Bernard y travaille
avec son fils Laurent, proposant aussi des chambres d’hôte et de la vente directe.
+ D’infos www.vignolles.ch

La Printanière

Céline Dugerdil et Frédérik Serdaly gèrent 10 hectares de vignes répartis sur les communes d’Avully (où se trouve la cave), Dardagny et Choully, à cheval sur les rives droite et gauche du Rhône.
+ D’infos www.laprintaniere.ch

Domaine des Lolliets

À Soral, Raphaël Dunand combine grandes cultures et viticulture. Il propose 16 cépages différents – qu’il vinifie lui-même depuis 2010 – répartis sur 8 hectares, actuellement en reconversion bio.
+ D’infos www.lolliets.ch

Le Château L’Évêque

Ce domaine compte 7 hectares de vignes sur la commune de Jussy, cultivées en biodynamie par Alexandre et Martine Mévaux. On y trouve 10 cépages, notamment l’innovant cabernet Jura.
+ D’infos www.chateauleveque.ch

Le Château du Crest

Sur les terres du domaine, non loin d’un château érigé en 1220 à Jussy (Arve et Lac), 18 variétés différentes de raisins sont cultivées, comme le chasselas, le riesling-sylvaner ou encore le malbec.
+ D’infos www.domaineducrest.ch

Le Clos du Château

À la tête du domaine depuis 2010, Lionel et Nathalie Dugerdil viennent d’obtenir le label Bio Suisse le 1er janvier de cette année, pour leurs vins blancs, rouges, rosés ou mousseux, à déguster à Choully.
+ D’infos www.closduchateau.ch

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Céline Duruz

infos pratiques

Y aller

En voiture
A1, sortie Meyrin, puis suivre la route du Mandement jusqu’à Satigny.
En transports publics
De la gare de Genève, prendre le SL5 Léman Express direction La Plaine, arrêt à Satigny.

Le parcours

Départ de Satigny en direction de La Plaine, en passant par Peissy et Malval. Randonnée sans difficulté. Comptez 4 heures pour parcourir ces 15 kilomètres, d’un dénivelé positif de 200 mètres, négatif de 290 mètres.

Se restaurer

Il y a du choix, autant à Satigny qu’à Dardagny. Ou faites une pause à mi-parcours au Restaurant Les Granges dans le vallon de l’Allondon, lieu idéal pour un pique-nique.