vaud, Rougemont

Balade au Pays-d’Enhaut, regorgeant de trésors

Relier Rougemont à Château-d’Œx (VD) en passant par la buvette des Serpenteys permet non seulement de profiter d’un décor alpestre et estival de toute beauté, mais aussi de s’imprégner de l’histoire des lieux.

Le ciel est avec nous: les paysages préalpins du Pays-d’Enhaut sont baignés de soleil en ce jour de juin! La brusque chaleur estivale nous prend d’ailleurs un peu par surprise à l’entame de la randonnée des Serpenteys qui conduit à Château-d’Œx. Commencer par la visite de l’église clunisienne de Rougemont nous offre donc un peu de fraîcheur bienvenue. Sa première construction remonte à 940 ans. Sur les façades et frontons richement décorés des maisons du village, de longues inscriptions racontent l’histoire, le nom des familles locales ou invoquent la protection divine à travers des versets bibliques. Après cette petite escale culturelle, nous voilà prêts à mettre le cap sur de plus grands espaces, avec la promesse de gagner en altitude, en ouvertures, en paysages.

Les parois du Vanil-Noir
Sur les hauts de Rougemont, plutôt que de prendre d’emblée en direction du Clos-de-l’Eau – attention de ne pas rater l’embranchement sur la gauche si l’on suit le tracé officiel – nous avons opté pour un crochet par la Forcla (1210 m) et les Coulayes. Une grimpette assez sèche à travers des prairies où les foins battent leur plein mais qui nous offre surtout l’unique point de vue de la balade largement ouvert sur les pentes abruptes et sauvages du Vanil-Noir, une réserve naturelle d’importance nationale. Le coup d’œil vaut le détour, même si nous en sommes évidemment bien trop loin pour observer les espèces, notamment bouquetins et chamois, qui font sa réputation.

À l’approche du lieu-dit les Coulayes, nous apercevons en revanche de multiples papillons, de gros grillons noirs et brillants et un milan royal. Le rapace louvoie longuement et sans effort au-dessus des prés fraîchement fauchés avant de fondre sur une proie qui nous reste invisible. En contrebas de la route se dessine bientôt la gorge du ruisseau des Ciernes-Picat. Elle présage un changement complet de décor. Et sans doute un peu d’ombre.

La lumière s’amenuise lorsque l’on s’engage dans cette profonde saignée du relief. Aux prairies bien exposées succède la végétation typique d’un milieu humide et frais. Les fougères et les mousses prennent d’assaut de vieilles souches, également colonisées par des framboisiers. Ici aussi quelques insectes butinent les rares fleurs de ce dense massif boisé. Non loin, le ruisseau s’étale sur le fond rocheux, encore éclairé par un soleil qui ne va pas tarder à se cacher.

Des orchis et des andains
Après un pont de bois, on amorce la remontée sur un étroit chemin au sol glissant dont les hautes marches sont faites de racines et de rochers. Un passage partiellement équipé de chaînes, sans réel danger, mais où il s’agit de regarder où on pose le pied. Un char à foin se fait soudain entendre, juste au-dessus de nos têtes. Et lorsqu’on rejoint enfin la route qui relie le hameau des Ciernes-Picat à Château-d’Œx, ce sont des fleurs en pagaille qui nous accueillent. Des orchis maculés ont pris d’assaut ce talus pour le transformer en véritable jardin botanique.

Sur ce tronçon du parcours qui descend doucement vers le fond de la vallée, plus de risque de s’encoubler! Le regard s’attarde alors sur le vaste panorama qui s’étale sur l’autre versant. Très loin en face, perdues dans un océan de verdure piqueté de chalets, les petites silhouettes d’agriculteurs alignent les andains avant de ramasser à la hâte ce foin que l’on transporte au sec sans tarder. Bien loin au-dessus d’eux, c’est la courbe massive du Rubli (2284 mètres) qui se dresse, et juste à côté celle du Rocher-Plat.

Les pentes qui s’étalent à leur pied abritent encore une espèce d’oiseau dont le sort est devenu précaire avec la forêt qui gagne sans cesse du terrain. La bécasse des bois a en effet besoin d’éclaircies, de clairières au cœur du massif forestier pour trouver un site digne de la croule, le nom donné à ses parades nuptiales crépusculaires.

Sur notre flanc de montagne, dans le clair-obscur d’un contre-jour, des abeilles brillent et s’activent autour de ruches alors que l’on a quasiment atteint la buvette des Serpenteys, idéalement située en cours de route. Alignés le long du sentier qui s’aventure à nouveau à travers prés lorsqu’il domine le lieu-dit Les Combes, de jeunes arbres fruitiers à haute tige, soigneusement étiquetés et protégés des chevreuils, rappellent l’un des objectifs poursuivis par l’association du Parc régional Gruyère Pays-d’Enhaut: aider les propriétaires de parcelles à repeupler les vergers en essences fruitières indigènes. La noire de Montreux, un cerisier, et les pommiers gravenstein et berlepsch’s goldreinette, parmi plusieurs autres espèces supportant l’altitude, sont mis en avant dans le but de favoriser la diversité du paysage rural.

Au croisement de trois cantons
Le hameau de Montchalon à peine passé, le bourg de Château-d’Œx, à une vingtaine de minutes de marche, prend toute son importance dans le paysage préalpin. Il occupe pleinement ce fond de vallée qui sert de carrefour à trois cantons. C’est en effet depuis Saanen, côté bernois, depuis le col de Mosses, côté vaudois et depuis la Gruyère sur Fribourg, que l’on rejoint le village mondialement connu pour son festival international de ballons, qui a lieu chaque année en janvier.

Alors que nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de minutes de marche du centre, le panorama n’en finit pas de refléter un magnifique ensemble. Au Pays-d’Enhaut, l’habitant ne se borne pas à vivre dans les villages, il occupe les longues pentes, s’installe dans les clairières. Éparpillés, les chalets massifs de bois sombre, troués de petites fenêtres et dont les balcons s’ornent des couleurs vives de fleurs, témoignent de cette présence humaine qui aime s’étaler. Ces magnifiques demeures souvent séculaires racontent, comme à Rougemont, une large part de l’histoire de la région. Celle de femmes et d’hommes fortement attachés à leurs terres. Quant au temple de Château-d’Œx, juché en sentinelle sur cette colline qui était surmontée d’un donjon dans un lointain passé, il semble veiller sereinement sur toute la contrée.

étapes

Au four et au marché
Deux manifestations animeront les rues de Rougemont cet été: le four à pain du village sera en fête le 24 juillet et le 8 août aura lieu le marché villageois. Une occasion d’apprécier les spécialités de la région et le riche artisanat local.+ D’infos www.chateau-doex.ch
Dormir sur l’alpe
De mai à octobre, passer la nuit dans un chalet d’alpage à 1500 mètres d’altitude et assister à la fabrication du fromage est une expérience à vivre. Compter deux à quatre heures de marche pour atteindre le chalet choisi. Réservations recommandées.+ D’infos www.chateau-doex.ch
Joyaux séculaires
L’église du village, vieille de neuf siècles, et les nobles chalets dévoilent de splendide manière la longue histoire de Rougemont. Ce patrimoine est protégé et des directives obligent à une cohérence architecturale de l’ensemble.+ D’infos www.chateau-doex.ch
De castel en église
Bien avant que le temple y soit construit au début du XVe siècle, c’est le château des seigneurs d’Ogo qui trônait au sommet de la colline emblématique de Château-d’Œx. L’incendie de 1800 nécessita la reconstruction de l’église.+ D’infos www.chateau-doex.ch
Sous l’aile du parc
Créé en 2011, le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut a notamment pour mission de préserver le patrimoine rural, faunistique, végétal et géologique qu’abritent les Préalpes fribourgeoises et vaudoises.+ D’infos www.gruyerepaysdenhaut.ch

 

Texte(s): Daniel Aubort, en partenariat avec l’Office du tourisme du Pays-d’Enhaut
Photo(s): Daniel Aubort/ Infographie Pascal Erard

infos pratiques

Y aller

En transports publics: gare de Rougemont sur la ligne du MOB.
En voiture: rejoindre Rougemont par Bulle (FR) ou Aigle (VD). Retour au point de départ par le MOB.

Le parcours

Compter 3 heures de marche pour 10 kilomètres et un dénivelé de +/- 460 mètres. La balade peut se faire dans les deux sens. Variante au départ de Rougemont par la Forcla et les Coulayes (+ 30 min et dénivelé de + 150 m). Boisson et chapeau fortement conseillés.

Se restaurer

Buvette des Serpenteys, ouverte le vendredi soir et le week-end. Fermeture à 18h le dimanche. Buffet de la Gare, Château-d’Œx: tél. 026 924 77 17.

Se renseigner

Carte de l’OFT No 1245 Château-d’Œx.
Office du tourisme: www.chateau-doex.ch