genève, Cartigny

Balade printanière à l’heure où s’éveillent les reptiles

La réserve naturelle du Moulin-de-Vert est le site le plus riche en biodiversité du canton de Genève. Les premières chaleurs du printemps sont synonymes de réveil pour bon nombre de ses habitants à écailles.

Le sentier descend en pente raide dans la forêt. Derrière nous, le village genevois de Cartigny s’évanouit peu à peu. Devant, 28 hectares de nature nichés dans un ancien méandre du Rhône. Bien cachée dans un repli du terrain, la réserve du Moulin-de-Vert est née de la correction du tracé du fleuve opérée en 1940. Elle attire depuis lors amoureux de la nature et photographes de tout poil. Notre guide du jour est sans doute l’un de ses plus fidèles visiteurs.
Peintre et graveur, Parick Reymond, de son nom d’artiste Deyrmon, vit à trois minutes du panneau qui signale l’entrée de la réserve: «J’ai dû prendre ce chemin plus de six cents fois, sourit l’artiste en enjambant le tronc d’un arbre brisé par un récent orage. Je ne m’en lasse jamais. On fait sans cesse de nouvelles observations. Ce matin encore, j’ai aperçu un magnifique pic noir à l’entrée de la cavité où il niche.» Chaque rencontre avec un animal nourrit l’artiste. Les oiseaux, surtout, qui se retrouveront souvent immortalisés sur une toile. La pente s’adoucit et les arbres s’éclaircissent. L’herbe est encore rase et les arbres commencent tout juste à bourgeonner, mais la température est déjà printanière sur cette petite plaine qui longe le Rhône. Bientôt, des orchidées rares fleuriront à quelques mètres du chemin. Mais pour l’instant, ce ne sont pas des amateurs de botanique que l’on croise sur les sentiers. Non, ce sont des amoureux des reptiles. Car une semaine de beau temps et des températures élevées poussent les animaux à sang froid à sortir de leur léthargie hivernale. Comment reconnaître un photographe animalier spécialisé dans les serpents? Facile, il se promène le nez vissé au sol. Nous en croisons une bonne dizaine qui marchent à pas lents, tressaillant au moindre craquement de brindille. Un éclat coloré attire notre œil. C’est un lézard vert qui nous surveille de ses grands yeux sombres, sa cape d’écailles vert émeraude brillant sous le soleil.

Le royaume de la cistude
Nous voilà installés dans l’un des affûts qui parsèment la réserve. À quelques mètres à peine, alignés sur une planche à demi immergée dans l’eau de l’étang, une ribambelle de casques militaires. Ce sont des cistudes, ces petites tortues d’eau douce qui avaient disparu de Suisse avant de faire l’objet d’un plan de réintroduction voilà quelques années. Profitant de l’atmosphère printanière, elles se prélassent sur leur plongeoir. Soudain, un éclair bleu, un sifflement aigu: c’est un martin-pêcheur qui survole le plan d’eau en rase-mottes avant de disparaître dans les roseaux qu’agite un léger courant d’air. «D’ici, on peut parfois observer des blongios, des butors étoilés ou encore des pies-grièches, chuchote Deyrmon, les yeux rivés à ses jumelles. Bientôt, le torcol et le loriot seront aussi de retour.» Une cistude tente de grimper sur la planche où l’attendent ses congénères. Maladroite, elle retombe en arrière dans un clapotis sourd. Loin de se décourager, elle repart à l’assaut de la plate-forme. Il lui faudra quatre tentatives pour parvenir à ses fins.
Le sentier est bordé de buissons encore nus. Entre les troncs et les feuilles mortes, une couleuvre à collier se faufile en un mouvement fluide. Rien de bien excitant pour les aficionados des reptiles, qui guettent plutôt le réveil de la vipère ou de la spectaculaire couleuvre vert et jaune. Mais il y a déjà largement de quoi étancher la curiosité d’un novice en la matière. Laissant les mordus à leurs appareils photo, nous repartons en direction des falaises qui surplombent la réserve. Pour rejoindre le village, une petite grimpette nous attend!

+ D’infos Une sélection de peintures de Deyrmon est exposée jusqu’au 7 mai au Centre Pro Natura de Champ-Pittet. www.deyrmon.com

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean/Infographie Pascal Erard

infos pratiques

Y aller

En transports publics
Devant la gare Genève-Cornavin, emprunter la ligne de bus 19 jusqu’à l’arrêt «Croisée de Confignon», puis changer pour la ligne K jusqu’à l’arrêt «Moulin-de-Vert».

En voiture
Sur l’autoroute A1, prendre la sortie «Bernex». Suivre la route de Chancy et obliquer à droite vers Cartigny. Parking à l’entrée du village.

Le parcours

Parcours facile. La boucle autour de la réserve représente
4 km, mais on la prolonge facilement en explorant d’autres sentiers. La descente par le chemin des Roches peut être glissante par temps humide.

Se restaurer

Le Café de Cartigny propose une carte simple sur sa charmante terrasse ombragée. Rue du Trabli 24, tél. 022 800 33 11

Se renseigner

Direction générale de l’agriculture et de la nature, tél. 022 388 55 40, www.ge.ch/nature

Notre guide

Deyrmon est un peintre, graveur et professeur de dessin genevois. Il vit à Cartigny et connaît la réserve du Moulin-de-Vert comme sa poche. Pour observer la faune, il conseille de s’y aventurer à l’aube.