berne, Griesalp

Via Alpina #6 Balade de Griesalp à Lauterbrunnen

Jusqu’à fin août, les journalistes de «Terre&Nature» se relaient sur les sentiers de ce parcours à ­travers les Alpes. Au programme, randonner des Préal pes vaudoises au pied de l’Eiger, dans l’Oberland bernois.

«Sur votre droite, le Tschingelsee. Ce lac n’existait pas avant les inondations de 1972», annonce le chauffeur du minibus postal dans son micro. L’homme en chemise jaune s’est improvisé guide touristique, et fait même la traduction (en anglais) pour le seul Welsch à bord. Ses différents commentaires ne l’empêchent pas d’être un conducteur hors pair: la route qui grimpe en lacets serrés vers la Griesalp passe pour l’une des plus raides d’Europe desservie par un bus (la pente atteint tout de même 28%). «À gauche, la chute d’eau que vous voyez est toujours pure, même après un orage. C’est parce que c’est une source.» Applaudissement des passagers.
Après un dernier passage acrobatique entre deux rochers, on arrive à Griesalp, l’alpage qui marque le début de cette ambitieuse étape de la Via Alpina. Même à 1400 mètres d’altitude, l’atmosphère est étouffante. Le ciel d’été est lourd et peuplé de gros nuages. Le sentier monte dans une forêt humide et des prairies tapissées de fleurs. Une fois sorti du bois, une petite brise permet d’aborder plus sereinement le raidillon qui nous attend. La piste monte en zigzaguant entre de petits prés accrochés à la montagne, comme suspendus, où des vaches paissent. La piste s’arrête près d’une dernière étable. Puis c’est un petit sentier qui nous mène au col de Sefinenfurgge. De grosses formations de roches sombres et friables affleurent par endroits. Leur silhouette biscornue rappelle les falaises des côtes de l’Atlantique. Et pour cause: ces roches se sont accumulées dans les mers avant d’être prises en étau entre les nappes qui ont formé les Alpes.

Un monde minéral
Cette fois, il n’y a pratiquement plus que de la pierre. Un escalier providentiel permet d’avaler les derniers mètres de dénivelé avant le col de Sefinenfurgge. À 2612 mètres d’altitude, c’est le deuxième plus haut point de la Via Alpina, après le Hohtürli. Le vent qui monte de Lauterbrunnen s’y engouffre avec violence. Très à l’aise dans ces turbulences, un chocard esseulé profite du vent pour planer en faisant du surplace. Il doit être habitué aux promeneurs, puisqu’il s’approche pour voir s’il n’y a pas quelques miettes de pique-nique à glaner. Pas de chance pour lui; après l’effort de la montée, ce col venteux et froid n’appelle pas particulièrement à faire une pause.
En descendant vers Mürren, l’un des panoramas les plus impressionnants des Alpes se dévoile. L’Eiger, le Mönch et la Jungfrau sous leur plus beau profil. Le sentier file vers la cabane du Rotstock, puis longe le flanc ouest d’une vallée gigantesque. En face, les Alpes se déroulent en un seul tableau vertical presque ininterrompu: la haute montagne et ses neiges éternelles. Tout au fond, des torrents coulent dans une vallée trop sauvage pour être habitée.

Les hommes au pied de la montagne
Le bruit d’une petite génératrice à essence annonce la présence des hommes. À côté d’un minuscule mayen, deux gaillards s’affairent à traire quelques vaches. Puis les fermes se font plus nombreuses à mesure que l’on approche de Mürren. La Via Alpina traverse le village. Assise aux terrasses des restaurants, la clientèle asiatique regarde passer les marcheurs d’un air distrait avant de reporter son attention sur l’Eiger. En 1938, quand cette terrible face nord est enfin vaincue par les alpinistes, un habitant de la région avait déclaré à un journaliste: «Ce bazar de touristes va maintenant enfin s’arrêter.» Bien sûr, l’histoire lui a donné tort. Heureusement peut-être puisqu’il faut bien avouer que c’est le tourisme qui irrigue cette vallée rustique. On ne s’attarde pas trop, car la route vers Lauterbrunnen est encore longue. Le sentier continue à travers les alpages pendant quelques kilomètres, avant de se faufiler entre les falaises pour une dernière descente.

+ D’infos Prochaine étape: Lauterbrunnen – Grindelwald.

étapes

Alpes bernoises

Au cœur des Alpes bernoises, cette étape traverse plusieurs étages de la montagne.

Herbe et roche

D’abord des pâturages fleuris, puis des déserts de roche. Près du col de Sefinenfurgge, le peu de végétation laisse apparaître d’impressionnantes formations de flysch.

Lauterbrunnen

La cascade Staubbach, emblème de Lauterbrunnen, est une des plus hautes chutes d’eau tombant.

Texte(s): Antoine Membrez
Photo(s): Antoine Membrez/DR

infos pratiques

Y aller

Train ou voiture jusqu’à Reichenbach im Kandertal, puis minibus jusqu’à la Griesalp (la route depuis Tschingelsee est déconseillée). À Lauterbrunnen, des trains retournent à Spiez. Parking payant à côté de la gare.

Le parcours

Environ 8 h 30 de marche pour faire les 22 km et 1400 mètres de dénivelé positif, (puis 2000 mètres de descente). Possibilité d’écourter en redescendant de Mürren en train et en téléphérique.

Se restaurer

Plusieurs restaurants à Griesalp. Possibilité de raffraîchir à la Rotstockhütte du Club alpin suisse.