L’association vaudoise Au-Potager propose des parcelles clés en main et un suivi personnalisé pour renouer avec la terre. En Romandie, les services d’accompagnement pédagogique à domicile ont de plus en plus de succès.

Avant, les habitants de Prangins (VD) se croisaient au parc, au château ou à l’épicerie. Depuis deux ans, un nouveau lieu de rendez-vous anime la commune: une parcelle de 5000 mètres carrés à côté de l’aérodrome, sur laquelle 65 potagers clés en main ont vu le jour grâce à l’association Au-Potager. Pour un prix allant de 650 à 750 francs par an, les membres ont accès à une parcelle de 37 mètres carrés prête à l’emploi avec des outils, des semis et plantons livrés selon un plan de culture prédéfini et un accompagnement pédagogique afin d’apprendre à jardiner sans intrants de synthèse. «L’idée est d’encourager les citoyens à travailler la terre, les sensibiliser au temps nécessaire à la production de fruits et légumes et renforcer les liens sociaux dans la région», expose Caroline Serafini, l’initiatrice, en nous accueillant sur les lieux. Après le succès d’un financement participatif en 2019, le projet rassemble aujourd’hui plus de cent Pranginois, qui profitent du retour des beaux jours pour commencer à planter.
Tutos et bulletins
Parmi eux, Guillaume, informaticien de 36 ans, qui a récemment emménagé à cinq minutes à pied. «Je n’ai pas de jardin, mais j’ai toujours adoré la permaculture. Il n’y a rien de meilleur que ce que l’on fait pousser soi-même! Cet endroit est également un moyen de rencontrer du monde», raconte-t-il en semant des graines de radis. Il a tout d’abord suivi avec attention les tutoriels vidéo publiés par l’association, ainsi qu’un bulletin d’informations détaillé en fonction de la saison. Trois fois par semaine, des maraîchers sont aussi présents afin de prodiguer des conseils. «Les gens ont plein de questions, par exemple sur la profondeur à laquelle il faut planter les graines ou les techniques de paillage, explique Charline Daujat. Le reste du temps, j’entretiens le terrain, notamment le système d’arrosage goutte-à-goutte que nous avons installé.» Différents groupes de discussion en ligne ont également été créés. Pour l’animation, l’agriculteur Reynald Pasche a remis en état une vieille planteuse à patates que les intéressés peuvent tester: «ll y a une bonne ambiance. Au début, j’étais sceptique sur ce genre d’initiatives parfois idéalistes. Mais là, cela contribue vraiment à rapprocher ville et campagne.» Toutefois, le climat capricieux de l’an passé et les nombreux ravageurs et maladies, comme les doryphores et le mildiou, ont détruit certaines récoltes, poussant des membres à abandonner. «Cela reste une bonne expérience, qui permet de se rendre compte de la difficulté du métier de paysan», assure-t-il.
Fort de son succès, le projet a essaimé à Gland et Nyon, tandis que Rolle, Morges et Commugny (VD) se montrent intéressées. Motivée, l’équipe vient d’ailleurs de créer une faîtière pour mutualiser les ressources. «Nous espérons voir éclore douze potagers dans l’arc lémanique d’ici à 2025», déclare la coprésidente Monica Namy.
Effet du confinement
En Suisse romande, de tels services de coaching se développent aussi à domicile. À l’image de la petite entreprise EssAimons, créée par Élodie Calais en 2021. En plus d’organiser divers ateliers en lien avec l’autonomie alimentaire, cette habitante de Franex (FR) propose un accompagnement saisonnier afin de réaliser un jardin en permaculture. «Cette approche est très en vogue, à tel point que l’on trouve tout et son contraire sur internet. Les gens ont besoin d’aide pour s’y retrouver, car beaucoup ont eu des expériences infructueuses.» En deux ans, quatre familles ont bénéficié de son soutien, lors de trois séances sur place et un suivi à distance. «J’interviens en amont au niveau de la conception et la planification. L’idée est d’expliquer les principes de base pour l’entretien, afin de faire économiser du temps et de l’énergie au quotidien.» Si cet engouement des particuliers n’est pas récent, la crise sanitaire a amplifié le mouvement, affirme François Enderlin. En parallèle de son entreprise de paysagisme, ce Morgien a créé Gardencoaching il y a cinq ans. «Pendant longtemps, mes clients me demandaient de remplacer leur potager par du gazon, car ils n’avaient pas le temps de s’en occuper. Aujourd’hui, j’observe la tendance inverse. Les gens ont renoué avec cette activité et veulent cultiver leurs propres légumes. Sans compter que les services d’un jardinier coûtent un certain prix.» En plus d’être mandaté pour des heures de conseils sur la taille des rosiers ou la plantation de fruitiers, le quinquagénaire a accompagné la création d’environ cinq jardins en Romandie. «Le but est de montrer à ceux qui n’ont pas la main verte comment se débrouiller sans moi, afin qu’ils deviennent vraiment indépendants.»
+ D’infos www.au-potager.ch
Questions à...
Olivier Mark, président de JardinSuisse
L’envie des privés de renouer avec le jardinage est-elle récente?
Non, c’est un mouvement que l’on observe depuis quelques années. Cela est en partie dû à l’augmentation des temps partiels et plus récemment à la popularisation du télétravail, qui pousse les ménages à davantage s’engager au jardin. Ainsi, bien que les paysagistes aient toujours conseillé les clients, on remarque un succès croissant des services de coaching.
Que pense la branche de cette tendance?
Nous voyons d’un bon œil les initiatives d’associations comme Au-Potager, permettant à ceux qui n’ont pas d’espace vert de profiter d’un lopin de terre. Quant aux entreprises qui proposent ce type d’accompagnement, elles ne sont pas une concurrence pour le secteur, car un jardin nécessite un entretien continu et les gens n’ont pas toujours autant de temps à y consacrer.
Un accompagnement est-il aussi nécessaire pour les amateurs de jardins naturels?
Oui, il en est de même pour les parcelles naturelles cultivées sans pesticides de synthèse ou en permaculture, qui ont particulièrement la cote. Pour que ces aménagements soient durables, il faut un concept de départ solide dans le choix et l’emplacement des variétés. Ainsi, il y aura toujours besoin de professionnels expérimentés.
Potagers urbains
Il n’y a pas que les privés qui peuvent être coachés. Légumes Perchés propose un accompagnement pour les communes, promoteurs, architectes ou établissements scolaires qui souhaitent s’engager dans l’agriculture urbaine. En plus de fournir semences, substrats et autres engrais biologiques, la société offre un suivi hebdomadaire par une plateforme en ligne. Parmi ses projets, le potager de l’école de Préverenges, celui du quartier Oassis, à Crissier, ou le jardin associatif «Notre Si Bio Jardin», à Saint-Sulpice (VD).
+ D’infos www.legumesperches.ch