Aviculture
Avec les poulaillers mobiles, ce sont les champs qui vont aux poules

Conçues à l’origine pour favoriser la vente directe d’œufs de la ferme, les volières déplaçables convainquent de plus en plus d’éleveurs de pondeuses optant pour des structures de petite à moyenne dimension. 

Avec les poulaillers mobiles, ce sont les champs qui vont aux poules

Développés dans les années 1990 par un couple d’agriculteurs bios allemands, les poulaillers mobiles ont été conçus pour la détention en plein air de pondeuses, en conformité avec les normes de bien-être animal, sans pour autant faire des parcelles dévolues un désert sableux peu séduisant et qui plus est propice aux vers intestinaux.

Encore marginal en Suisse il y a cinq ans, le concept a rapidement séduit un nombre croissant d’agriculteurs comptant sur la vente d’œufs pour apporter un revenu d’appoint à leur exploitation. Au point qu’ils acquièrent fréquemment une seconde structure déplaçable – ou remplacent celle-ci par un modèle de plus grande capacité.

 

Déplacement aisé

C’est le cas de Christian Hockenjos. À Palézieux, il exploite depuis une douzaine d’années un poulailler fixe de 2000 places, dont il vend les 80% de la production à un grossiste – le reste au magasin de la ferme. C’est pour augmenter cette part qu’il a acquis un premier poulailler mobile de 250 places en 2018. «L’impact visuel sur les clients est excellent et la vente a suivi, raconte-t-il. Nous avons donc décidé de passer à l’échelle supérieure en troquant notre structure pour une plus grande, de 800 places, qui va nous être livrée en octobre.»

En passant à l’échelle supérieure, l’agriculteur entend maintenir le rythme actuel de déplacement de son installation, «toutes les deux semaines en été, toujours près de la ferme, en choisissant des emplacements pratiques et bien drainants, et en profitant des rotations de nos cultures.» L’opération prend deux heures et, avec un peu d’expérience, ne présente aucune difficulté, précise-t-il. «Là, on va bientôt déplacer le poulailler actuel sur les regains fauchés. Ensuite, on réensemence la place antérieure.»

Comme celui qu’il va remplacer, le modèle Hühnermobil de 800 places pour lequel Christian Hockenjos a opté est totalement autonome en matière d’énergie grâce à ses panneaux solaires. «Cela facilite le choix de son emplacement, relève-t-il. Et les nids en balle d’épeautre dont il est équipé permettent son installation même sur une surface inclinée.»

Le paysan de Palézieux prévoit une certaine augmentation de la charge de travail actuelle, «assez facilement intégrée à la marche de l’exploitation avec une bonne organisation interne». Quant au coût, il ne devrait pas changer; il l’estime à 200 francs/place-poule, contre les 300 francs/place-poule de sa structure fixe. «Mais l’investissement de base est loin d’être négligeable. Pour être rentable, même un petit poulailler mobile doit être géré avec toutes les exigences de la détention professionnelle.»

Celles-ci impliquent un planning avisé des changements de séries, et une filière organisée et durable pour les poules en fin de parcours. «Compter sur la vente pièce par pièce à des particuliers est trop aléatoire et gourmand en temps, souligne-t-il. Le plus important est d’éviter l’incinération.»

 

Un parc de six poulaillers

À l’expérience positive de Christian Hockenjos répond celle de Francis Jaggi, à Coinsins (VD), dont l’entier de la production d’œufs part en vente directe. «J’ai acquis mon premier poulailler mobile de 250 places en 2016 et dès lors en ai racheté un chaque année. Le prochain est déjà commandé!» En suivant les rotations de ses 7 hectares de luzerne et en profitant d’un grand verger de 7000m2, il parvient à déplacer ses poulaillers toutes les semaines. Lui aussi admet que cette transhumance est un peu plus compliquée en hiver, notamment en raison de la nécessité de maintenir un accès praticable au poulailler.

Avec des séries étirées à 14 mois, Francis Jaggi parvient à «jongler» pour diminuer sa production en été. Et a mis au point sa propre filière de réforme: «Depuis ce printemps, on fait abattre et conditionner une grande partie de nos pondeuses à Genève, que l’on vend comme poules à bouillir, avec beaucoup de succès. La plus-value est intéressante, au prix d’une logistique très réduite.»

 

La visibilité, atout essentiel

À Lugnez (JU), Daniel Studer et son filsThibault ont quant à eux opté pour deux poulaillers mobiles de 2000 places. La vente directe ne représente qu’une partie très marginale de leur production d’œufs, écoulée par le grossiste Hosberg: «Notre objectif était surtout de disposer d’un poulailler d’une certaine dimension, mais compatible avec la gestion de nos 70 laitières et de nos 85 hectares», expose Thibault Studer. La formule mobile les a convaincus, mais la transhumance se fait «seulement» au rythme de deux à trois par série lorsque la météo le permet, au minimum une fois par changement. «Le concept fonctionne très bien, et on reçoit pas mal de visites d’exploitants intéressés par ce genre de volière mobile d’une telle capacité.»

Le poulailler mobile se prête donc à des modèles d’exploitation avicole largement plus variés que la seule vente directe de quelques centaines d’œufs par jour. Et semble en passe de poser les bases d’une nouvelle formule de diversification centrée autour des pondeuses pâturant en plein air. Mais au-delà de ses atouts en matière de technique et de bien-être animal, il contribue aussi à rapprocher producteurs et consommateurs. Comme le dit Francis Jaggi, «un poulailler visible et proche de la ferme, c’est extraordinaire pour l’image de l’agriculture».

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

Questions à Nathaniel Schmid, spécialiste en production animale au FiBL

À quoi prêter attention avant de se lancer?

D’abord à bien se renseigner et récolter l’expérience de collègues; ensuite s’assurer que l’on aura le temps d’assumer le travail supplémentaire, et suffisamment d’espace propre et muni de structures pour déplacer le poulailler. Et, au-delà de 250 poules, avoir un marché avant d’investir est indispensable.

Est-il obligatoire de déplacer le poulailler mobile?

Non. On conseille un rythme de déplacement de 7 à 15 jours en fonction de la grandeur des parcs et des structures à disposition. Si un poulailler mobile n’est jamais déplacé, les exigences en matière de structuration du pâturage sont appliquées, sachant que le parc sera rapidement dégradé en terrain nu.

Les œufs de poule en pâture sont-ils meilleurs, plus sains?

Une rotation rapide sur des pâtures de qualité donne à la poule accès à des nutriments importants pour la composition de l’œuf ainsi qu’aux insectes et autres petits animaux absents des fourrages standards. Cette alimentation plus proche des besoins naturels de l’animal entraîne forcément une amélioration des qualités de l’œuf.