Reportage
Allier bien-être animal, durabilité et productivité grâce à la technologie

À Giffers (FR), Adrian et Andrea Vonlanthen ont investi dans des installations de pointe à l’écurie, sans perdre de vue une vision basée sur l’économie des ressources à disposition de leur domaine.

Allier bien-être animal, durabilité et productivité grâce à la technologie

Tranquille sous le soleil automnal, le troupeau affiche une insolite variété de robes et de silhouettes. «Deutsches fleckvieh, holstein, pinzgauer, jersey, normande et autres: on a un peu de tout», commente Adrian Vonlanthen. L’idée est d’accroître vigueur, taille et poids au fil des croisements, pour atteindre notre objectif de production de 6000 kg par tête uniquement avec le fourrage de l’exploitation, dès l’an prochain.»

Plus loin, une petite horde de zébus se presse à la rencontre de l’agriculteur et de son épouse Andrea. «Je les ai achetés pour le plaisir, sans même les avoir vus», précise le Singinois. Qui l’avoue sans détour: même s’il est né sur un petit domaine de la commune voisine de Eichholz, il n’envisageait d’abord la voie agricole que comme un hobby, se voyant embrasser une carrière militaire. Une piste suivie jusqu’à devenir officier supérieur de milice. «Mais être accompagné d’une épouse aussi motivée pour le métier de la terre, ça change tout.»

Halle sur mesure
La passion est donc devenue métier. Le domaine Fäschtus s’est agrandi, passant de 22 à 100, puis 200 hectares, au gré des opportunités et «d’un peu de chance». Grâce à la passion d’Adrian, mais aussi à un sens inné de la planification et de l’organisation, qui l’a conduit à développer méticuleusement l’entreprise en conjuguant durabilité et rentabilité. Une vision sur plusieurs décennies, dont la dernière concrétisation accueille depuis une année ses laitières: une vaste halle aux allées surdimensionnées qu’il a conçue de A à Z, permettant la circulation optimale des animaux entre les logettes en libre accès et la salle de traite. «L’agencement est étudié de façon à nous permettre de contrôler deux fois par jour, au passage, l’état des veaux et des vaches gestantes», indique-t-il.

Sous le plafond, un séchoir de deux fois 250 m2 équipé de deux ventilateurs au flux d’air canalisé et de sondes d’humidité accueille le foin; au sol, un robot d’alimentation flambant neuf se charge de la coupe, du mélange et de la distribution de la ration, circulant sans peine entre les logettes et les dizaines de balles rondes de maïs, de luzerne et d’orge disposées contre le mur. Un engin impressionnant muni de nombreuses options, dont il n’existe à l’heure actuelle que deux exemplaires en service en Suisse. «On a investi environ 200‘000 francs pour ce seul système, relève Adrian. Cela se justifie par le nombre de bêtes, et surtout par l’économie des deux heures de travail au tracteur et au mélangeur que le robot remplace.»

Et si la salle de traite largement automatisée représente également un gros investissement, les panneaux photovoltaïques installés sur le toit de la halle en réduisent largement le coût énergétique, permettant une traite du soir quasiment gratuite, note-t-il encore.

Accent sur la flexibilité
Surtout, «cet accès H24 au fourrage pour toutes les vaches s’est vite traduit par une augmentation de la production laitière – et un confort accru pour elles, beaucoup plus tranquilles qu’auparavant.» Le Fribourgeois ne cultive pas pour autant un amour immodéré du high tech. Pour ses cultures maraîchères, il a opté pour l’usage de «très vieilles machines bricolées en hiver dans un atelier chauffé, en récupérant des pièces dont le stock est très élevé en Suisse»; quant à ses deux poulaillers mobiles, il les a construits lui-même à partir de remorques frigorifiques qui lui étaient auparavant nécessaires pour le transport de ses 8 hectares de fraises – réduits désormais au quart et destinés à l’autocueillette.

S’il n’a rien laissé au hasard au fil des aménagements, Adrian a toutefois veillé à maintenir des possibilités de changement d’orientation sur le domaine. «Si la filière du gruyère venait encore à se durcir, nous avons l’espace nécessaire pour évoluer. Passer aux vaches allaitantes ne représenterait pas un problème, la place est là.

Le domaine Fäschtus fait aujourd’hui figure d’exploitation bio de pointe, avec une répartition judicieuse des centres de revenu ainsi qu’une durabilité et une plasticité exemplaires. «Nous avons mis en place notre propre modèle, avec le sentiment qu’il s’agit simplement de la voie à suivre en fonction du bon sens, atténue-t-il. Avec pour base de toute notre démarche une exigence fondamentale: être flexible.»

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

En chiffres

  • 100 hectares en plaine et en zone montagne: cultures fourragères, céréalières, pâtures
    et maraîchères (1,5 hectare);
  • 2 hectares de fraises en autocueillette et 100 hectares d’alpages à proximité.
  • 100 laitières, jeunes bovins et veaux, une vingtaine de zébus et environ 100 poules à deux fins.
  • 3 cabanons de vente directe en libre-service (viande, œufs, pâtes alimentaires fabriquées à la ferme, légumes de saison).
  • Certifications Bio Bourgeon (2011) et Demeter (2021).

+ d’infos www.faeschtus-biohof.ch

Un robot pour gagner en efficience

Si les Vonlanthen ont équipé leur écurie d’un robot d’alimentation, c’est avant tout pour gagner du temps. «Préparer et distribuer la ration prend vite une à deux heures par jour, calcule le producteur. Avec le robot, c’est une heure et demie par semaine au maximum.» Des chiffres confirmés par Grégoire Duboux, représentant pour la firme Lely en Suisse romande, qui a installé une soixantaine de Vector (le modèle choisi par Adrian et Andrea) en Suisse ces dernières années. «L’intérêt pour le robot d’alimentation est croissant, assure-t-il. Trouver de la main-d’œuvre qualifiée devient difficile, et les agriculteurs préfèrent consacrer leur temps à des tâches à plus haute valeur ajoutée. De surcroît, la hausse du prix du carburant et ses répercussions sur les coûts de production constituent un argument de poids en faveur du robot.» Selon les estimations, ce dernier ne consomme en effet que pour 5 francs d’électricité par jour. «La rentabilité est vite atteinte, y compris avec des troupeaux en deçà de septante vaches, estime Grégoire Duboux. En outre, en fourrageant plus régulièrement les vaches et en diminuant le gaspillage et les refus, le robot participe à augmenter l’efficience alimentaire et améliore la productivité laitière.»