reportage
Des arbres fruitiers taillés en un éclair

L’entreprise Moret Fruits à Martigny (VS) cultive une partie de son verger en «mur fruitier». Corollaire, assez spectaculaire: une taille mécanique ultrarapide.

Des arbres fruitiers taillés en un éclair

Des ouvriers jouant du sécateur sur des arbres à peine plus hauts qu’eux? Chez Moret Fruits, à Martigny (VS), la taille hivernale ne correspond plus vraiment à cette image traditionnelle. Dans le large espace séparant des rangs curieusement élevés, c’est à la machine – une impressionnante rangée verticale de neuf disques d’acier – que Julien Moret, seul, coupe ce qui dépasse. Les éclats de bois volent en tous sens, le tracteur avance à bonne allure, ne laissant derrière lui que 30 centimètres de branches de diamètre varié de part et d’autre des troncs.

Moins de travail et de résidus
La taille mécanique, les Moret la pratiquent sur un bon quart de leurs 60 hectares de verger. Elle est le corollaire de la disposition des arbres en «mur fruitier», séparés par un interrang de 3 m 50 et palissés sur trois fils d’acier solide, sur une hauteur de 3 m 80. «Notre entreprise a toujours été très attentive aux innovations. On a commencé à replanter nos arbres sur ce modèle il y a six ou sept ans, explique Julien Moret. Ce qui permet une réduction considérable de l’entretien et des intrants.»
Branches cassées, plaies approximatives: la taille a de quoi faire sursauter les arboriculteurs voisins. «C’est du bûcheronnage», reconnaît Julien Moret en souriant. Mais à la floraison, les arbres plantés en mur forment des haies fleuries. «Et à la récolte, on dirait des arbres de Noël couverts de pommes», relève l’arboriculteur. Moins volumineux et plus aérés (chaque pousse, puis chaque fruit bénéficie en gros des mêmes conditions d’exposition), les arbres sont moins vulnérables aux maladies et demandent moins de traitements, «ce qui diminue la quantité de résidus ingérés par le consommateur, souligne-t-il. Cela dit, je ne le ferais pas dans une zone endémique du feu bactérien.»
En terre romande, l’entreprise familiale de Martigny est la première à recourir à ce modèle cultural développé en France il y a une décennie. Plus économique, écologique, le mur a également pour atout de produire des fruits de calibre plus régulier, plus homogènes dans leur coloration; parmi les contraintes, l’arboriculteur relève la nécessité de planter les arbres à la machine et de faire une taille manuelle d’entretien tous les deux ou trois ans, mais il insiste surtout sur le caractère radical du changement à opérer – certainement pas à la légère. «À l’investissement nécessaire pour les machines de taille, soit 15 000 francs environ, il faut ajouter des structures fixes plus durables, donc plus coûteuses, énumère-t-il. En outre, le rendement diminue d’environ 20% par arbre. Mais on le compense en plantant plus serré, à 80 cm d’intervalle; en optant pour des filets antigrêle, on peut se passer d’assurance. Et le fait de maîtriser toute la chaîne de production, de la récolte à l’expédition, nous permet de jouer sur les marges pour équilibrer les coûts, ce qu’un petit producteur ne peut s’autoriser.»

Des essais à Châteauneuf
«À terme, on va sans doute travailler ainsi sur l’ensemble de notre domaine», estime Julien Moret. Seul bémol au «mur fruitier»: certaines variétés supportent mieux que d’autres le passage des disques de coupe (la gala, par exemple). Et si le Service d’agriculture du Valais mène ses propres essais de «mur fruitier» sur des abricotiers grâce à une machine similaire, Julien Moret hésite encore à faire le pas pour les siens – qui représentent pourtant 17 hectares de surface. «L’abricot est plus vulnérable aux plaies de taille et son marché est moins sous pression que celui des pommes et des poires. Or, c’est un changement qui se justifie avant tout par une réflexion économique.»

+ d’infos www.moretfruits.ch

 

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): blaise guignard