Coup de pouce
À la buvette de Tolochenaz, on mange le poisson cuisiné par les pêcheurs

Toutes les trois semaines, nous partons à la découverte de Suisses romands proposant leurs produits en vente directe, et présents sur notre plateforme des bonnes adresses. Ce jeudi, direction le canton de Vaud.

À la buvette de Tolochenaz, on mange le poisson cuisiné par les pêcheurs

Enfant, Yves Treyvaud pêchait avec sa mère et son grand-père, constructeur de bateaux à Morges (VD). Pourtant, il s’est orienté vers un tout autre métier. D’abord comptable et ingénieur du son, il s’est finalement lancé dans une longue carrière d’informaticien. Ce n’est que trente ans plus tard, après un licenciement à l’approche de la cinquantaine, que le Vaudois est retourné à ses premières amours. «Je suis resté plus d’un an au chômage. Ce n’était pas une période facile. Entre deux envois de CV, j’allais voguer sur le lac en tant que pêcheur amateur pour me changer les idées. Puis j’ai réussi à rebondir.» Le salut viendra de sa compagne Catherine Beausire, qu’il épaulera dans la reprise de la pêcherie de son père Jean-Jacques, à Tolochenaz (VD), pour y ouvrir une sympathique buvette.

 

Du lac à l’assiette

Le couple a en premier lieu installé une petite tente devant la maison pour y accueillir quelques clients fidèles. «À l’époque, nous n’avions pas la licence pour vendre des boissons. Les gens amenaient leurs propres bouteilles, c’était une super ambiance.» Aujourd’hui, Aux Délices du Lac s’est agrandi et peut servir une trentaine de personnes sur place. Au menu: de la friture de perches, le plat signature du lieu, réalisé entièrement du Léman à l’assiette. Après une formation de cafetier-restaurateur en 2008, Yves Treyvaud a obtenu un permis de pêche professionnelle quelques années plus tard, qui lui permet de vendre ses poissons fraîchement capturés. «Ici, toute la chaîne de production est faite maison!» se félicite le duo. En revanche, pas question de ramener plus que nécessaire. «Nous prenons uniquement ce dont nous avons besoin, en fonction des réservations. Il nous tient à cœur de considérer le lac comme un vivier.»

 

Lieu de rencontre festif

Au petit magasin sur place, féra, omble chevalier et brochet sont vendus selon la pêche du jour, ainsi que de la mousse de féra fumée, de la terrine de brochet et du poisson fumé à froid, confectionnés par Catherine. Un marché à la ferme est aussi organisé chaque samedi Chez Roseline, à Apples (VD). «Depuis quelques années, nous complétons également notre assortiment auprès d’autres pêcheurs du Léman, car nous avons déjà beaucoup de travail à la buvette», souligne le Lausannois de 68 ans, qui passe une bonne partie de ses journées en cuisine pendant la saison estivale. Avec l’arrivée des beaux jours, les réservations vont bon train. Réunions de famille, repas d’entreprise et mariages animent les lieux. «Nous dépendons de la météo, ce qui n’est pas évident», souligne ce père de deux enfants et quatre petits-enfants. Malgré des conditions de travail de plus en plus difficiles (lire l’encadré ci-contre), Yves Treyvaud relativise: «Nous ne sommes pas riches, nous ne partons pas beaucoup en vacances, mais nous avons la chance de vivre au rythme du lac, ce qui est incomparable.»

+ d’infos Promenade du Petit-Bois 31, 1131 Tolochenaz. Tél. 021 801 87 37. Pêcherie ouverte de 9 h à 19 h. Buvette fermée le dimanche; www.aux-delices-du-lac.ch

Retrouvez les producteurs de votre région sur notre plateforme des bonnes adresses.

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): François Wavre/Lundi13

Un vrai combat contre la moule quagga

Ces dernières années, les professionnels de la pêche doivent s’adapter à de nombreux phénomènes en lien avec le réchauffement climatique. Parmi eux, la prolifération d’algues, la multiplication de cormorans et l’invasion de moules quagga – qui inquiète particulièrement Yves Treyvaud. «Elles s’accrochent dans les filets et les moteurs, ce qui nécessite un gros travail de nettoyage avant d’aller à l’eau. De plus, il faut les enlever à la main, car elles ne partent pas au Karcher», déplore le Vaudois. Cette espèce envahissante originaire de la mer Noire trouve sa nourriture en filtrant plus d’un litre d’eau par jour, modifiant la répartition des ressources disponibles en milieu aquatique et bouleversant la chaîne alimentaire. La Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) a mis en place un suivi scientifique pour surveiller les effets de ce mollusque dans le lac.