Reportage
À Genève, des étudiants construisent leur chambre en kit

Une fois par mois, nous vous emmenons à la découverte de projets exemplaires sur le plan énergétique. Cette semaine, visite d’un modèle d’habitat durable novateur dans une surface commerciale vacante.

À Genève, des étudiants construisent leur chambre en kit

C’était un grand hall désaffecté et poussiéreux aux peintures défraîchies. Depuis quelques mois, cette ancienne fabrique de composants en plastique située au rez-de-chaussée d’un immeuble des Acacias (GE) a retrouvé des couleurs. Après une période de travaux participatifs, le collectif hex.ao – constitué d’étudiants et de jeunes diplômés – a pris possession des lieux, à la suite d’un appel à projets de La Ciguë, coopérative genevoise de logements pour personnes en formation. Le but: reconvertir cette surface commerciale vacante en habitat communautaire et atelier ouvert, jusqu’à sa rénovation en 2023. «Actuellement, on recense 250 000 mètres carrés de bureaux vides à Genève, soit l’équivalent de soixante terrains de football. Avec l’augmentation du télétravail, ce chiffre a bondi ces dernières années, expose Aline Juon, coresponsable des projets de construction à La Ciguë. Nous voulons convaincre les propriétaires de mettre à disposition ces espaces. Voici la première réalisation de ce qui deviendra, je l’espère, un véritable mouvement politique, écologique et social.»

Cohabiter en toute intimité
Décoré de plantes vertes et de tapis bariolés, le local aux hauts plafonds a été aménagé avec des matériaux recyclés, tels que de vieux planchers récupérés sur des chantiers et du mobilier de seconde main. En plus d’une cuisine, d’un salon et de sanitaires partagés, un atelier a été installé derrière des parois vitrées, permettant à la petite équipe de bâtir elle-même ses propres chambres. Aujourd’hui, quatre des neuf membres du collectif dorment ainsi sur place dans des modules indépendants de dix mètres carrés, pour un loyer d’environ 200 francs par mois. «Nous avons imaginé un espace privé le plus restreint possible, sans pour autant sacrifier l’intimité visuelle et acoustique des occupants. Nous misons sur la générosité des pièces communes et la mutualisation des ressources, pour cohabiter sans cloisonner», exposent Valentin Calame et Dawit Tadesse, architectes fraîchement diplômés.

Contre le gaspillage
La structure est constituée de poutrelles en sapin suisse et de panneaux en bois mélangé, avec une isolation acoustique en laine de roche et des parois en polycarbonate, afin de laisser passer la lumière. Pour optimiser la surface, les chambres ont été réalisées en mezzanines, avec un lit en hauteur et un escalier escamotable. «Le design est le plus simple possible, pour que les locataires puissent le personnaliser. Certains utilisent l’espace du bas comme une penderie, d’autres comme un salon avec une télévision intégrée», détaillent les concepteurs en faisant la visite. Carolane, scénographe de 28 ans, a quant à elle choisi d’y installer un lit d’appoint pour ses proches. «Au début, j’étais réticente à cette cohabitation d’un nouveau genre, car j’avais peur d’être à l’étroit. Mais j’ai véritablement réussi à me fabriquer un cocon. L’ambiance est très bonne et j’adore le fait d’avoir un lieu de création à domicile.»

Toute l’année, des événements seront ouverts au public, comme des concerts et des ateliers. Les modules en kit pourront, à terme, être démontés et transposés dans d’autres logements étudiants. À Genève, l’Hospice général s’y intéresse aussi, pour loger certains migrants. «Avec ce projet, on passe de l’utopie à la réalité en concevant un nouveau statut d’affectation de transition, qui permet de résister à la pression de l’immobilier dans la région», déclare Aline Juon, de La Ciguë. «Il s’agit également d’éviter le gaspillage d’énergie et d’espace dans le milieu de la construction. Ce n’est que du bon sens!» conclut le collectif.

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Nicolas Righetti/Lundi 13

Le collectif

Les architectes Valentin Calame (à g.) et Dawit Tadesse, 28 et 27 ans, font partie du collectif hex.ao – habitat expérimental et atelier ouvert –, avec sept étudiants et jeunes diplômés dans l’art, le design et l’urbanisme. Si quatre membres du groupe vivent sur place, les autres profitent de l’atelier et organisent régulièrement des événements publics.

+ D’infos Suivez leur carnet de bord sur le compte Instagram @hex.ao

En chiffres

Le logement, c’est:

220 mètres carrés de surface, avec 1 atelier.

1 collectif de 9 membres, dont 4 habitants.

4 modules d’habitation de 10 mètres carrés.

4 mois de travaux participatifs pour un emménagement en février 2022.

10’000 francs de prêt de la part de la coopérative estudiantine La Ciguë.

Une mise à disposition jusqu’à l’été 2023.