Reportage
À Andermatt, des soldats d’élite sont prêts en tout temps à sauver des vies

Cet été, Terre&Nature explore le monde du secours alpin. Dans ce sixième volet, on suit les militaires du Détachement d’engagement de spécialistes de montagne 104 à l’entraînement dans la région du Gotthard.

À Andermatt, des soldats d’élite sont prêts en tout temps à sauver des vies

Centre de compétences du service alpin de l’armée, Andermatt (UR), vendredi, 7 h du matin. Ralf Regli, colonel commandant la place, explique l’exercice du jour à la petite dizaine de jeunes hommes qui l’écoutent attentivement. «Une personne a disparu dans une falaise de la région d’Axenflue, au-dessus du lac des Quatre-Cantons. La police cantonale nous demande son soutien pour la retrouver et l’évacuer par hélicoptère. Celui-ci se tiendra à disposition jusqu’à 11 h 30.» Le matériel est réuni et paqueté, et un chef d’engagement est désigné. Un soldat du rang: au sein du Détachement d’engagement de spécialistes de montagne 104 – la formation de militaires en service long dédiée à ce type de mission – les compétences priment sur la hiérarchie et sont partagées par tous. Bientôt, le gros Cougar des Forces aériennes atterrit devant la caserne, embarque tout ce monde et le dépose, au treuil, à quelques pas de la falaise en question. Localiser la «blessée» – en réalité une collaboratrice civile du Centre d’Andermatt – exigera une dizaine de minutes et une descente en rappel. Bientôt, un sauveteur est à même de remonter avec elle, grâce au dispositif de treuillage installé dans l’intervalle par ses camarades. Chacun des neuf soldats du Détachement sait exactement ce qu’il doit faire. Tous sont calmes et concentrés, ce qui n’empêche pas d’amicaux échanges de vannes, en français et en Schwyzerdütsch, en attendant le retour de l’hélicoptère.

«Dans ce job, il faut aimer la montagne et le boulot en plein air, mais aussi avoir une bonne capacité sociale, pour bien fonctionner en tant que groupe, note le premier-lieutenant Adrien Demaurex, le jeune officier responsable du petit

groupe. Et bien sûr, avoir attesté de ses capacités techniques au fil des multiples sélections passées avant même l’école de recrues (ndlr: lire encadré ci-contre)

En ultime recours
Au fil de l’année que dure leur engagement, de tels exercices font le quotidien de ces soldats, dont le fusil reste par conséquent au ratelier. Le jour d’avant, ils en ont enchaîné trois, avec un Super Puma venu de la base d’Alpnach (OW): sur un étroit piton rocheux inaccessible surmontant le Gotthard, sur un îlot minuscule affleurant l’un des lacs entourant le col et sur une arête à la caillasse traîtresse. Des opérations complexes qui exigent du sang-froid et une minutie technique sans faille – en plus d’un matériel de pointe comprenant cordes, trépied, tyrolienne et treuil. Le tout sous l’œil impavide de Toni Nyffeler, le responsable technique du Détachement. «Ils sont parfaitement prêts», commente ce guide professionnel travaillant depuis vingt-cinq ans à la place d’armes d’Andermatt.

De la part de celui qui préside le Secours alpin de Suisse centrale et dirige le Service des avalanches uranais, l’appréciation n’est pas à prendre à la légère. «Le Secours alpin engage d’ailleurs volontiers d’anciens membres du Détachement 104 dans ses rangs, souligne Adrien Demaurex. Et nous sommes tous titulaires d’une qualification professionnelle pour les travaux sur cordes.» Lors d’un véritable engagement, le petit groupe agit toujours en collaboration avec les structures civiles (Rega, pompiers, colonnes de secours). «À moins qu’il ne s’agisse d’un sinistre dans le cadre exclusivement militaire, l’armée intervient de toute façon toujours en dernier recours», précise le jeune homme. De fait, les (rares) missions du Détachement 104 consistent souvent à récupérer des corps après de vaines recherches civiles.

Il y a quelques semaines, Adrien Demaurex et ses camarades ont ainsi été appelés sur le site d’un accident de camion mortel en contrebas des lacets du Susten (UR). «Notre camaraderie est précieuse pour garder la distance nécessaire en pareil cas», dit-il.

Retour à la vie civile
Dans la falaise au-dessus du lac, la radio du chef d’engagement grésille: le pilote du Cougar est en route. En quelques secondes de vol stationnaire faisant voltiger feuilles et branchages, le sauveteur et la blessée sont hissés à travers les airs, et emmenés en lieu sûr. Le matériel est plié en un rien de temps et l’appareil revient embarquer le reste de l’équipe. Aux membres du team réunis devant l’hélicoptère pour un rapide débriefing, le colonel Regli fait part de sa satisfaction: l’opération est un succès.

De tels exercices et interventions d’urgence feront encore le quotidien des membres actuels du Détachement 104 jusqu’au mois de novembre, date à laquelle les jeunes gens retrouveront leur profession – charpentier, mécanicien, mécatronicien de remontées mécaniques – ou leurs études. Ils resteront mobilisables à titre supplétif pour des missions de sauvetage, mais aussi dans le cadre d’un engagement tactique, pour lequel ils ont été formés durant leur école de recrues.

Adrien Demaurex, quant à lui, entend bien continuer à voler dans l’impressionnant Super Puma vert olive. Mais pas à l’arrière: le Vaudois a entamé voici plusieurs mois la très stricte sélection pour devenir pilote d’hélicoptère. Et si son rêve se réalise, ce sera lui qui, un jour, déposera les sauveteurs de l’armée sur d’étroites crêtes inaccessibles.

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard