Portrait
«Les petites annonces peuvent donner vie à des amitiés magnifiques»

En cette année d’anniversaire, nous partons à la rencontre de lecteurs qui ont vécu une histoire inattendue grâce à Terre&Nature. Cette semaine, Christophe de Graffenried, vétérinaire vaudois, abonné depuis cinquante ans.

«Les petites annonces peuvent donner vie à des amitiés magnifiques»

Il faut grimper par une route étroite pour atteindre la maison de Christophe et Marianne de Graffenried. C’est en pleine nature, sur les hauteurs des Monts-de-Corsier (VD), à quelques encablures seulement de Vevey, que vit ce couple de vétérinaires tous deux fraîchement retraités. Une fois parqués devant le portail de la bâtisse, nous sommes accueillis par un troupeau d’ânes qui se lance aussitôt dans un concert de braiments enthousiastes. «C’est l’heure à laquelle je les mets au parc d’habitude, alors ils s’impatientent un peu», s’amuse le Vaudois de 66 ans en cajolant Anastasie. Le bardot blanc, croisement d’une ânesse et d’un poney, a été recueilli par la famille il y a vingt-cinq ans, via une petite annonce publiée dans Terre&Nature. «Anastasie appartenait à un Fribourgeois qui l’avait achetée à l’époque pour son fils. Hélas, elle a une fois embarqué son jeune cavalier et l’embardée a frôlé la catastrophe. Après cet incident, le père l’a tellement battue qu’elle ne s’est plus jamais laissé approcher, raison pour laquelle son ancien propriétaire a finalement décidé de s’en séparer.»

À force de patience, Christophe et Marianne de Graffenried et leurs deux enfants ont réussi à réapprivoiser l’animal, et ensemble ils ont parcouru des centaines de kilomètres à pied: des Préalpes fribourgeoises aux Alpes vaudoises, en passant par l’Emmental et même une fois jusqu’en Auvergne. «Anastasie a été notre première belle rencontre née grâce à Terre&Nature», confesse le retraité avec émotion.

Quelques lignes qui valent de l’or
Mais c’est pour évoquer la dernière en date que Christophe de Graffenried a pris l’initiative de nous écrire peu avant Noël. Dans son courriel adressé à la rédaction, il souhaitait parler de son amitié inattendue avec Leo, l’ouvrier qui rénova l’été dernier la ferme occupée par la fille du couple non loin de là. «L’annonce qu’il avait fait paraître tenait en deux lignes. J’ai appelé et un monsieur au fort accent étranger a décroché. Quelques jours plus tard, Leo débarquait avec ses trois employés et toutes les machines nécessaires au chantier. Pendant six mois, ils étaient là tous les matins à l’aube et ont réalisé un travail extraordinaire. Nous mangions souvent ensemble à midi et nous avons passé des heures à refaire le monde. Leo m’a raconté sa vie au Kosovo, ainsi que le long parcours qui l’avait mené jusqu’en Suisse. Nous avons eu des discussions philosophiques, parfois même spirituelles, c’était très fort. Le dernier jour, mon épouse et moi étions émus de le voir partir…»

Tous les trois décident alors de garder contact après les travaux. Christophe et Marianne de Graffenried invitent Leo au restaurant le jour de ses 40 ans, l’homme leur apporte une bouteille de vin, du fromage et une étoile de Noël pour les fêtes. «J’ai même été convié à son repas d’entreprise en fin d’année. Nous étions une quinzaine, j’étais le seul Suisse et surtout l’unique autour de la table à ne pas être employé, c’était une super soirée. Les petites annonces de Terre&Nature valent parfois de l’or», confie le Vaudois en souriant.

Il y a quelques années, un autre encart avait déjà permis au couple de souder une première amitié. «Au début des années 2000, j’étais également passé par le journal pour acheter un véhicule 4×4 à un couple de Fully, en Valais, qui nous avait ensuite à son tour repris notre Jeep de vétérinaire pour son alpage. Quinze ans plus tard, nous nous sommes séparés de nos voitures, mais notre amitié a persisté.»

Fidèle au Sillon depuis ses 12 ans
Le sexagénaire compte parmi les plus anciens fidèles lecteurs de Terre&Nature. «Je me suis abonné au Sillon romand à l’âge de 12 ans. À l’époque, je vivais avec ma mère à Vevey et je travaillais chaque été chez des paysans aux Pléiades. Je montais là-haut avec mon fox-terrier Titus sur le porte-bagage de mon vélomoteur. Et je suis toujours resté fidèle au journal depuis cette époque», relate Christophe de Graffenried. Du salon où nous sommes installés pour discuter autour d’un sirop de sureau maison concocté avec les fleurs du jardin, il montre encore cette fontaine en granit datée de 1852, dénichée elle aussi dans les petites annonces voilà deux décennies. «Je l’ai achetée au Mont-de-Baulmes, en dessus de Sainte-Croix. On l’a rapportée ici avec un copain paysan et le premier soir où elle était installée, une coupure d’eau est survenue dans le quartier. Toute la famille a pu faire sa toilette et se brosser les dents dehors au clair de lune. C’était comme un signe!»

Au fond du jardin, il y a aussi cette maison en bois devant laquelle Christophe de Graffenried propose de poser pour le portrait photo. Le Vaudois l’a achetée 1000 francs, lors d’une mise aux enchères annoncée dans le journal après la faillite du Parc médiéval de Moudon en 2003. «Terre&Nature accompagne ma vie depuis cinquante ans, j’y suis profondément attaché. C’est un média positif et apaisant, qui fait du bien dans le tumulte ambiant», lâche-t-il encore au moment de nous raccompagner au portail. Dans l’enclos, Anastasie et les autres ânes, le voyant arriver, repartent dans un braiment insistant. Cette fois, c’est l’heure du pré.

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Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): Mathieu Rod

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