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Le rougequeue à front blanc s’admire tôt le matin

Reconnaissable à la tache claire qui orne sa tête, le rougequeue à front blanc est de retour. On peut profiter de la période de nidification pour l’observer, même en ville. À condition d’être un lève-tôt!

Le rougequeue à front blanc s’admire tôt le matin

Six mille kilomètres à tire-d’aile
De loin, on peut le confondre avec le rougequeue noir. Mais lorsqu’on l’observe plus attentivement, aucun doute possible: la tache claire qui coiffe sa tête ne trompe pas, c’est un rougequeue à front blanc. Cette particularité est toutefois l’attribut uniquement du mâle, le plumage de la femelle est plus terne. Ce n’est pas la seule différence qui distingue les deux passereaux: «Le rougequeue noir, très commun en Suisse, est moins exigeant que son cousin à front blanc en matière d’habitat, explique Valéry Uldry, biologiste de La Chaux-de-Fonds (NE) et spécialiste de l’avifaune urbaine. Par ailleurs, sa migration le mène seulement au sud de l’Europe tandis que le rougequeue à front blanc va jusqu’au Sahel.» Entre ses quartiers d’été en Europe et ceux d’hiver au cœur de l’Afrique, ce dernier parcourt donc près de 6000 kilomètres à chaque voyage. «En Suisse, on peut l’observer dès le mois d’avril et il repart entre mi-juillet et début août.»

Un chasseur en rase-mottes
S’il est exclusivement insectivore, le rougequeue à front blanc n’est pas vraiment difficile dans ses choix: coléoptères, diptères ou chenilles lui conviennent parfaitement. Pour chasser, il a toutefois besoin d’espaces dégagés qui lui garantissent de trouver facilement au sol de quoi remplir sa panse: «Un grand parc bien tondu, c’est une véritable salle à manger pour lui», indique Valéry Uldry. Par contre, ces zones ne sont pas favorables à la reproduction des insectes et elles ne regorgeront de nourriture qu’à la condition qu’elles voisinent avec des espaces plus sauvages.

Emblème de la biodiversité urbaine
Durant son séjour estival au nord de la Méditerranée, trois types d’habitats peuvent lui convenir: les forêts clairsemées, du type de celles que l’on trouve en Europe de l’Est et où il déniche facilement de quoi se nourrir au sol, les vergers pâturés à proximité des villages et les grandes zones de verdure en milieu urbain. «Il se plaît dans les cantons du Tessin et du Valais, mais comme il n’existe presque plus de vergers à haute tige sur le Plateau suisse, il est contraint de se rabattre sur les parcs et les jardins. C’est un bon milieu de substitution pour cet oiseau que l’on trouvera dans les franges urbaines, en particulier à proximité de grandes demeures entourées de parcs arborés.» En Suisse, le rougequeue à front blanc a notamment élu domicile dans la région de La Chaux-de-Fonds, où un groupe d’ornithologues l’étudie depuis une quinzaine d’années, mais aussi dans les villes de Genève et de Bâle, jouant les porte-drapeaux d’une biodiversité urbaine peu connue du grand public. Mais il est épisodiquement observé dans toutes les zones de moyenne et de basse altitude.

À vos jumelles au lever du soleil
Une fois que sa présence est confirmée, il n’est pas très compliqué d’observer un rougequeue à front blanc… pour autant que l’on soit prêt à se lever tôt. «Je privilégie le début de matinée, conseille Valéry Uldry. En sortant une heure avant le lever du soleil, on a plus de chances de le repérer, puisque peu d’espèces sont actives aussi tôt.» Reste à tendre l’oreille à l’affût de son chant et à ouvrir les yeux pour tenter de l’apercevoir. Mais l’oiseau nous facilite la tâche: «Il a coutume de se percher sur la cime des arbres pour chanter.»

Pour leur donner un coup de pouce…
Au retour de sa longue migration, ce voyageur a tendance à revenir dans la zone qu’il avait colonisée l’année précédente. Comme les vieux arbres, dans lesquels il trouvait quantité de cavités naturelles pour nicher, se font rares dans notre pays, il élit volontiers domicile dans un nichoir artificiel. Au printemps dernier, Terre&Nature avait lancé son propre nichoir pour apporter sa contribution à la sauvegarde de cet oiseau et soutenir les populations de ce passereau emblématique: si l’on en compte entre 10 000 et 15 000 couples en Suisse, ses effectifs suivent en effet une légère tendance à la baisse. Cette action a remporté un franc succès, puisque nos lecteurs ont installé plus de 1100 nichoirs aux quatre coins de la Romandie. Après des retours encourageants, l’opération se poursuit cette année.

+ D’infos www.chaux-de-fonds.ch/frontblanc; www.terrenature.ch

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): DR