Portrait
Bob Morlon incarne avec humour la lutte contre les déchets sauvages

L’employé communal gruérien, devenu célèbre pour ses coups de gueule contre les détritus jetés dans la nature, est l’ambassadeur des «Coups de balai» des cantons de Fribourg et de Vaud organisés ce week-end.

Bob Morlon incarne avec humour la lutte contre les déchets sauvages

On dit souvent qu’un petit détail fait la différence. Dans ce cas, c’est une paire de lunettes de soleil orange fluo. Posées été comme hiver sur la tête de Bob Morlon, elles sont devenues un accessoire indissociable de ce personnage attachant et terriblement convaincant. Son nom ne vous dit rien? Vous avez pourtant sûrement déjà vu une de ses vidéos, faisant le buzz sur les réseaux sociaux. Face à la caméra de son smartphone, Jean-Pierre Macherel, de son vrai nom, est un as de l’improvisation, doté d’un entregent impressionnant. Employé communal de la commune de Morlon (FR), le quadragénaire vient d’être nommé ambassadeur des Journées «Coup de balai» fribourgeoises et vaudoises, la Coopérative romande de sensibilisation à la gestion des déchets estimant qu’avec sa sincérité et sa crédibilité, il est capable de pousser «les citoyens à s’engager pour un changement». Une sacrée reconnaissance pour celui qui est en poste au bord du lac de la Gruyère depuis une douzaine d’années. «Quand je vois des enfants mettre des lunettes de soleil pour aller jouer à Bob, ça me fait plaisir. L’idée étant à terme qu’ils n’aient plus de déchets à ramasser, bien sûr!»
Jamais le cantonnier n’aurait pensé, lorsqu’il se filme pour la première fois en 2016, qu’il connaîtrait un tel succès. Maniant l’ironie à merveille, Jean-Pierre Macherel a aussi un sens de l’humour développé et une créativité à faire pâlir d’envie les meilleures agences de marketing, des compétences qu’il met à profit pour «militer pour le retour du bon sens». «Je ne planifie pas mes vidéos, ça vient tout seul, sur le moment.» Il ne lui faut généralement qu’une prise pour diffuser son message. Son dernier exploit en date? S’excuser d’avance de ne pas réussir à déneiger toutes les routes de sa commune, la veille de giboulées. Sa vidéo a fait le tour de la planète, visualisée par près d’un demi-million de personnes. «J’ai reçu des e-mails du Québec, c’était complètement fou, raconte celui qui se serait bien vu animateur radio. Des collègues m’ont aussi remercié de dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas.»

Une démarche éco-logique
Figure emblématique et contestataire, il s’est fait approcher par des gilets jaunes français, lui demandant de rallier le mouvement, et par des politiciens du cru. Offres qu’il a gentiment déclinées, ne voulant pas brouiller ses propos. L’an dernier, l’enfant de Morlon a même pu s’entretenir avec les conseillers fédéraux, en vadrouille dans son canton. Il s’en étonne encore. Au départ, ce n’est évidemment pas une passion débordante pour les déchets qui a poussé Jean-Pierre à devenir cantonnier. Peut-être par crainte de s’ennuyer, il a choisi un métier qui ne soit jamais monotone. Dans sa commune, c’est le cas l’été, lorsque les rives du lac de la Gruyère se peuplent. Un jour, il y croise des jeunes et leur demande de ramasser leurs détritus en partant. «Le lendemain, ils les avaient abandonnés au même endroit, en tas, au pied d’un arbre. Ce manque de respect m’a sidéré.» Celui qui se dit «éco-logique et non pas écologiste» – il avoue volontiers être passionné de sports mécaniques – voit rouge. Ni une ni deux, il filme son coup de gueule, spontané et mémorable. Il attendra sa pause de midi, et d’avoir l’aval de sa femme et de ses deux ados Yasmine et Ilyas, avant de publier sa vidéo sur les réseaux sociaux. «Je voulais viser directement les jeunes, voilà pourquoi j’ai choisi Facebook.» Elle est vue plus de 12 000 fois en un jour. Les retombées sont immédiates, il voit des habitants de la région réagir, prendre un sac-­poubelle avec eux lors de leurs sorties. Convaincu que sa voix porte et que son message est pertinent, il donne naissance officiellement à son double orangé, encore faut-il lui trouver un nom. Comme il est connu loin à la ronde en tant que Bob, le speaker de manifestations comme la Corrida bulloise, il garde ce prénom, ajoutant le patronyme de sa commune d’origine.

Jouons à «Pork-immonde Go»
Il faut désormais le faire vivre, ce personnage. Bob se prend au jeu, rebondissant avec brio sur l’actualité. Un jour, il parodie le chanteur Maître Gims, quelque temps plus tard, il copie le jeu «Pokémon Go», le transformant en «Pork-immonde Go!». Jean-Pierre Macherel laisse toutefois parfois Bob au vestiaire, notamment lorsqu’il enfile son uniforme de pompier volontaire. Il l’a porté pendant plus de trente ans, pour rendre service à la communauté. «J’ai été éduqué comme ça. On ne devrait pas avoir besoin de connaître un coup dur pour se rendre compte que l’on a des voisins.» Un brin hyperactif, le célèbre cantonnier ne s’arrête pas là. Le soir, il épaule son épouse Latifa dans leur restaurant marocain de Bulle. Ensemble, ils ont aussi lancé une association humanitaire, Miny-môme, en faveur des enfants du Maroc. Chaque année, la famille s’y rend en voiture, le coffre rempli de fournitures scolaires. Ils y ont même amené un camion de pompiers. «On embarque à Sète (F) pour deux jours de traversée jusqu’à Tanger. On fait la connaissance de gens qu’on ne reverra plus jamais. C’est l’aventure, une balance importante dans notre vie. On est alors confrontés à une autre réalité. Ça fait un bien énorme.»

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

Son univers

Un plat
Le couscous royal. «Je peux manger celui de ma femme trois fois par semaine. Et dire que quand je l’ai rencontrée, je n’aimais pas ça.»
Un objet
Un micro. «Dès que j’en ai un entre les mains, je suis dans mon rôle de speaker, on ne m’arrête plus.»
Un groupe
Queen. «C’est toute ma jeunesse.»
Un sport
Le rallye-raid. «Je suis passionné de sports motorisés, autant des motos que des voitures.»