Reportage
Lapins, perruches et chèvres sont des professeurs attentifs à leurs élèves

À L’Abbaye (VD), les enfants en difficultés scolaires acquièrent des stratégies d’apprentissage grâce à des animaux qui leur prêtent toute leur attention. Découverte d’un concept pédagogique inédit.

Lapins, perruches et chèvres sont des professeurs attentifs à leurs élèves

Aux Jardins de Sauvagère, les professeurs ont une allure pour le moins originale. Samba, la lapine, côtoie en effet la chèvre Miss Marple et la chienne Bergamotte. En compagnie d’autres animaux à poil et à plume, ils ont pour rôle d’aider les élèves à améliorer leurs facultés d’apprentissage. «De nombreuses études ont démontré que travailler avec des animaux a un effet positif sur la mémorisation, augmente la capacité de concentration et permet de réduire le stress et l’anxiété», relève Tina Nordmann. Après avoir travaillé selon un concept semblable pendant plusieurs années à Oulens-sur-Lucens (VD), cette psycholinguiste spécialisée en pédagogie s’est installée l’année dernière à L’Abbaye (VD) avec son mari Jean-Daniel. Difficultés scolaires, phobies de l’école, troubles relationnels ou du comportement, dyslexie, hyper­activité, déficit d’attention: les élèves qui viennent chercher de l’aide sont confrontés à des problématiques variées. Certains sont des enfants à haut potentiel. Âgés pour la majorité de 6 à 16 ans, ils suivent l’école obligatoire.
Mais comment un poney ou une perruche peuvent-ils donc aider un jeune à résoudre un problème de mathématique, à assimiler plus facilement son vocabulaire d’allemand ou à effectuer des conjugaisons grammaticales? «Souvent, les élèves sont en difficulté car ils ne savent pas comment apprendre, souligne Tina Nordmann. Avec l’aide des animaux, nous travaillons à l’acquisition de stratégies d’apprentissage. Poneys, chats et lapins permettent d’augmenter la motivation des élèves et leur estime de soi. Ils aident à développer de nouvelles habitudes efficaces pour parvenir à l’objectif souhaité et encouragent les compétences sociales.»

Des modèles à suivre
Ce jour-là, Tina Nordmann propose à Julien de lire une histoire au bouc Maigret. L’enfant, qui a des difficultés de lecture, prend peu à peu confiance, alors que le bouc semble lui prêter une oreille attentive. «L’animal va simplement écouter, sans juger ni réagir négativement si un mot n’est pas lu correctement, relève la professionnelle. Changer l’objectif – je lis une histoire car l’animal aime cela et non pas parce que je dois apprendre à lire – encourage les enfants tout en enlevant le facteur stress.» Chaque animal a un rôle différent à jouer et intervient en fonction des affinités de l’élève et de ses problématiques. «Si un enfant a des difficultés à s’intégrer dans un groupe, nous passons par exemple du temps à observer le fonctionnement des perruches entre elles. Si certaines se disputent, elles mangent tranquillement côte à côte l’instant d’après. L’élève voit ainsi que vivre ensemble n’est pas toujours facile, mais que les fâcheries ne sont pas éternelles. J’ai constaté au cours de ces deux dernières décennies, à la suite du développement de notre société toujours plus virtuelle, que les enfants ne savent plus comment inter­agir entre eux: soit ils subissent la relation, soit ils explosent. Les oiseaux peuvent leur servir de modèle, pour leur apprendre à mieux régler les conflits.»

Apprendre à se concentrer
Souvent, des émotions négatives, liées à une mauvaise expérience, bloquent l’apprentissage ou la réalisation d’exercices. Le stress, par exemple lors d’un test, amplifie ensuite la problématique. Tina Nordmann propose alors à ses élèves d’effectuer un parcours avec un cheval, un chien ou une chèvre: passer sur une bâche, enjamber des barres au sol ou franchir un pont de bois. «Enchaîner ces exercices avec un animal permet de développer une bonne stratégie avec une intention positive. Pour bien réussir cet exercice, il faut d’abord mémoriser le parcours en se le représentant dans la tête et rester bien concentré pendant qu’on l’effectue. Si l’enfant pense à autre chose, l’animal le ressent et répond moins bien.» Tina Nordmann aide ensuite l’élève à transférer ces nouvelles habitudes sur le travail scolaire. «L’écolier s’en souvient ensuite à l’école: lorsqu’il fait un exercice, il reste plus présent à la tâche et l’aborde avec une attitude positive, en se rappelant ce qu’il a travaillé avec le poney Marengo ou la chienne Jeida.»

+ D’infos www.sauvagere.ch

Témoignage «Les animaux aident notre fils à gérer ses émotions»

«Notre fils Nolan, qui a 7 ans, est un garçon très sensible, observe Christophe Noël, du Brassus (VD). S’il est performant à l’école, il a parfois des difficultés à s’intégrer dans un groupe de copains. Il n’est en effet pas évident pour lui de gérer ses émotions, ce qui débouche parfois sur de grandes colères. Le travail avec les animaux lui a permis d’apprendre à trouver d’autres chemins pour dénouer les conflits. Nolan a vite compris que s’il s’énervait, le lapin ou la chèvre se désintéressait de lui. Il est heureux de guider un poney ou un chien sur un parcours. Cet exercice l’oblige à gérer son compagnon de route, en étant attentif à lui. Réussir à amener l’animal là où il le souhaite est très gratifiant pour Nolan. Il n’y arrive cependant pas forcément du premier coup, ce qui peut être une source d’impatience et de frustration. Auparavant, ce revers entraînait une forte exaspération. Mais grâce au soutien de Tina Nordmann, il a désormais appris à exprimer différemment ses ressentis.»

Nouvelle approche

La zoothérapie – ou médiation par l’animal – est une méthode d’intervention qui implique la présence d’un animal. Celui-ci a notamment pour rôle de faciliter le lien entre l’intervenant et le patient. L’objectif peut être thérapeutique, préventif ou pédagogique, afin d’améliorer la qualité de vie ou la santé mentale ou physique du patient. L’animal doit être choisi avec soins et éduqué en conséquence. Parce qu’elle est complémentaire aux interventions conventionnelles, la zoothérapie peut être proposée par des professionnels issus de domaine.