Agriculture
Détruire ses couverts végétaux, c’est désormais tout un art!

Si les couverts végétaux ont fait leurs preuves dans les rotations, leur mode de destruction pose encore problème. Moins coûteux que le broyeur, plus respectueux que la chimie, le rouleau pourrait bien être la solution. Tour d’horizon d’un marché en pleine expansion.

Détruire ses couverts végétaux, c’est désormais tout un art!

Protection du sol contre l’érosion et l’échauffement de surface, lutte contre le lessivage de l’azote: les avantages des couverts végétaux ne sont plus à prouver, en témoigne leur généralisation ces dernières années sur le Plateau suisse. Mais force est de constater que leur efficacité sera encore plus marquée si on les détruit au bon moment et surtout de la bonne manière. Jusqu’à présent, le choix dans les solutions de destruction était restreint: désherbage chimique, travail du gel, complété éventuellement par un coûteux broyage. Or, aujourd’hui, l’étau se resserre autour des produits phytosanitaires, glyphosate en tête. Et, sous l’effet du réchauffement climatique, le froid n’est plus si efficace pour les détruire. D’où l’intérêt d’un rouleau destructeur qui non seulement plie la végétation mais aussi la blesse l’automne venu afin de favoriser sa décomposition par les organismes du sol. «La méthode prend son essor, observe Joël Petermann, de la maison Alphatec, à Mathod. Les possibilités sur le marché sont désormais nombreuses.»

Large choix de machines

Outre des rouleaux type Faca d’inspiration sud-américaine, arrivent d’Europe du Nord des machines plus sophistiquées (He-Va, Kerner) qui effectuent un travail agressif sans pour autant broyer ou hacher l’interculture. «Il y a à présent tout ce qu’il faut pour rouler le couvert et l’abîmer suffisamment pour qu’il sèche pendant l’hiver», note Édouard Cholley de ProConseil, convaincu qu’un bon contact sol-plante permettra une meilleure dégradation.
Pour le choix de la machine, il faut avant tout se poser la question de la culture suivante et de sa date d’installation, chaque outil influant différemment sur la vitesse à laquelle se décomposera la matière organique. «Pour la betterave, on aura besoin d’un couvert parfaitement dégradé en mars. On recommande donc de le couper fin avec une machine qui fait des petits morceaux, afin de semer facilement, précise Édouard Cholley. Par contre, pour semer en avril un maïs ou un tournesol, on préférera un rouleau qui laisse des brins plus longs, pour éviter que la parcelle ne se resalisse. On optera ainsi pour un rouleau à lames plates par exemple.»
Si elle s’insère donc parfaitement dans une stratégie de lutte contre les mauvaises herbes sans chimie, la destruction du couvert végétal a un coût, estimé entre 7000 et 12 000 francs, d’après Joël Petermann: «C’est tout à fait le genre de machine acquise en copropriété, voire par une Cauma.»

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Le Roll Krop d’Actisol a du mordant

La Cauma de Senarclens a acquis un rouleau particulièrement sophistiqué qui travaille la terre en superficie, en plus de blesser et couper le couvert végétal. La dégradation de la biomasse est ainsi accélérée par le travail agressif de ce rouleau venu de l’ouest de la France.

C’est la polyvalence de l’outil qui a convaincu les utilisateurs de la Cauma de Senarclens d’investir – en seconde main – dans un rouleau Roll Krop. Monté sur un bâti réversible, cet outil construit par la société française Actisol peut ainsi avoir un effet plus ou moins agressif, en fonction du sens dans lequel il est utilisé. «Soit il couche, soit il mord», résume Serge Cretegny, qui exploite un domaine de 57 hectares à Senarclens. L’agriculteur a fait le choix d’utiliser le Roll Krop dans sa version la plus agressive: «Il blesse et coupe sans pour autant réduire en bouillie la masse végétale, ce qui n’aurait aucun intérêt pour le sol. Il faut laisser des fibres si on veut le nourrir!»D’une conception assez sophistiquée, le Roll Krop est composé de deux trains de rouleaux à lames montés en V. «Les premiers rouleaux, orientables, sectionnent la végétation. Les deuxièmes, dont le diamètre est inférieur, pulvérisent les plantes, accroissant ainsi les contacts avec la terre.»
Cette année, une septantaine d’hectares ont été détruits par les cinq utilisateurs de la Cauma. «Le rouleau tourne légèrement plus vite que l’avancement du tracteur, ce qui le rend plus agressif», précise encore Serge Cretegny. Mais pour être efficace, le Roll Krop doit travailler dans une masse végétale suffisamment dense et haute. Autre condition, que le sol ne soit pas trop humide, au risque d’avoir des bourrages avec la terre. Incurvées, les lames sont longues de 8 cm et attaquent la végétation tout en soulevant les mottes de terre, accélérant ainsi la dégradation de la masse végétale. «C’est une action idéale pour favoriser l’action du gel», conclut Serge Cretegny.

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Le Mafotech en coupe franche

La coopérative du Battoir de Vullierens a acquis récemment un rouleau type Faca, conçu sur le principe des rouleaux destructeurs sud-américains. Gilbert Henry utilise cette machine des ateliers Mafotech de Montricher (VD) sur ses couverts dans le but de les enfouir par un labour avant de semer des betteraves au printemps prochain.

Vesce, féverole, pois de printemps, phacélie, tournesols, avoine: le moins que l’on puisse dire, c’est que le couvert végétal de Gilbert Henry est diversifié. En outre, il est particulièrement haut: il mesurait 1 m 30 au moment de le détruire. «Dès le mois de mars, je sèmerai ici même 6 hectares de betteraves après avoir labouré la parcelle au préalable, explique l’agriculteur de Vullierens. J’ai donc besoin que le couvert végétal soit parfaitement dégradé avant de l’enfouir par la charrue. Pas question de créer une semelle!» Un broyage serait trop coûteux en énergie et inefficace pour maintenir la propreté des sols. «Un rouleau type Faca me permet de couper des brins suffisamment longs pour couvrir le sol pendant l’hiver, mais quand même assez courts pour être dégradés au moment de la reprise des sols», poursuit le Vaudois. Encore faut-il que la machine ne fasse pas que coucher la végétation, mais la blesse suffisamment profondément pour éviter qu’elle ne se relève. La coopérative du Battoir de Vullierens a donc acquis un rouleau construit par Thierry Chenuz, patron de l’atelier Mafotech à Montricher, et conçu pour couper. «Ses lames hélicoïdales sont en hardox, un type d’acier particulièrement résistant à l’abrasion. Elles roulent et entament les végétaux sans les écraser», poursuit Gilbert Henry. Large de 3 mètres, il est accroché au relevage avant, et peut être alourdi par 400 litres d’eau. «Il possède une légère amplitude directionnelle le rendant maniable.» À l’automne 2017, le rouleau Mafotech a détruit près de 100 hectares de couverts végétaux dans les villages alentour. «Les couverts végétaux constituent un réel apport agronomique à mes sols. Il faut donc être prêt à investir pour que ces derniers soient intégrés au sol et donc parfaitement utiles.» Le rouleau construit par l’entreprise vaudoise Mafotech a fait ses preuves cet automne dans les champs de Vullierens et ses alentours.

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller

Le X-Cut passe la biomasse à la moulinette

Le constructeur allemand Kerner a mis sur le marché un rouleau destructeur qui déchiquette le couvert grâce à un double travail de la masse végétale. Dans le Chablais vaudois, Olivier Pittet a justement utilisé ce X-Cut cet automne en vue de semer sur ses parcelles du maïs en strip-till au printemps 2018.
Lancé à 15 km/h, le rouleau X-Cut de 3 mètres de large installé sur le relevage avant du tracteur ne laisse aucune chance au mélange de pois, de niger et d’avoine qui couvre les parcelles d’Olivier Pittet. Avec ses 1400 kg, ce rouleau, dernier-né du constructeur allemand Kerner et baptisé X-Cut, effectue un travail assez agressif et fait plus qu’entamer la végétation, aussi ligneuse soit-elle. Il réalise un véritable déchiquetage et laisse au sol un paillis assez fin. «La condition pour que ça fonctionne, c’est d’aller vite», observe Olivier Pittet, qui utilise pour la première année ce rouleau destructeur. L’agriculteur chablaisien a toujours réfléchi à rationaliser ses travaux des champs – il exploite une cinquantaine d’hectares à Ollon en blé et en maïs grain. «Ma stratégie est claire: d’une part, réduire au maximum les intrants, d’autre part, être le plus efficace possible quant aux heures de travail consacrées à chaque hectare de culture.» Convaincu que le broyage, en plus d’être coûteux, n’est guère utile d’un point de vue agronomique, Olivier Pittet s’est donc orienté vers un rouleau. «La fin de l’été et l’automne ont été très favorables au développement des couverts, particulièrement hauts et denses cette année. Impossible de laisser agir le gel et de ne pas les rouler.»
Le X-Cut est conçu en deux parties. Sur le rouleau avant, des lames affûtées attaquent le couvert avec un léger biais. Juste derrière, une alignée de disques gaufrés écrase la masse dans le sens de l’avancement du tracteur. Ce double travail ne laisse ainsi guère de chances au couvert qui devrait se dégrader tranquillement d’ici au mois d’avril. «Dans ces terres mi-lourdes qui ne se réchauffent que moyennement vite, je devrais pouvoir semer mon maïs en strip-till, directement.»

Le Front-Roller, seigneur des anneaux

Des lames hélicoïdales suivies d’une rangée d’anneaux: voilà une combinaison redoutable pour plier et émietter un couvert, sans pour autant en faire un mulch. Deux agriculteurs ont investi en commun dans le rouleau Front-Roller conçu par la maison danoise He-Va. «Auparavant, on laissait l’hiver détruire nos couverts. Mais les grands gels deviennent de plus en plus rares, il nous faut donc absolument participer à la destruction de nos intercultures. On ne peut plus compter sur le climat!»
Pour Guy Hänggeli, qui exploite une trentaine d’hectares, dont un tiers en betteraves et en tournesols, le rôle prioritaire du couvert végétal est de permettre une bonne maîtrise des repousses de céréales. Il a donc fallu trouver l’outil idéal pour étouffer ces repousses tout en lui permettant une reprise simplifiée des terres au printemps. «Je pratique le strip-till pour mettre en place mes cultures sarclées, il me faut donc un matelas d’engrais vert qui se mette aisément en andain.» Avec le Front-Roller, construit par la maison danoise He-Va, Guy Hänggeli a trouvé son bonheur: «À l’avant, un rouleau type cut de 40 cm de diamètre aplatit la végétation en lui donnant des coups de lame. Et derrière, une rangée d’anneaux en étoile de différents diamètres (450 et 550 mm) éclatent les fibres par frottement.» C’est donc un travail particulièrement agressif qu’effectue ce rouleau danois de 3 mètres de large, acquis par Guy Hänggeli en copropriété avec Florian Romon, de Villars-Sainte-Croix (VD), auprès de la maison Ott. «À la différence des autres rouleaux, le Front-Roller est équipé d’un système de guidage hydraulique qui permet d’orienter son angle d’attaque par rapport au sol.» Parfaitement maniable, le Front-Roller constitue pour l’agriculteur de Boussens un bon compromis: «Ce rouleau émiette efficacement le couvert sans toucher au terrain. Il ne hache pas la biomasse, mais fait davantage que la rouler, créant ainsi un paillis qui étouffe les repousses de céréales.» Mission accomplie!

Le Cover Crop Roller, la cavalerie légère

Malgré sa conception rudimentaire, le Cover Crop Roller d’I&J Manufacturing ne fait pas que rouler le couvert végétal. Il entame légèrement la végétation de façon à la dévitaliser. Une approche qui a convaincu la Société d’agriculture d’Apples et Reverolle.

Se passer d’herbicide. C’est clairement l’objectif de Jérôme Fazan, agriculteur à Apples. Ce dernier exploite 35 hectares dans des terres légères à mi-lourdes et vient de rouler son couvert de phacélie en vue d’y effectuer un semis de betteraves sous litière au printemps prochain. «Je prévois un passage avec un outil à disques en fin d’hiver pour émietter le couvert végétal et peut-être encore un autre avec un outil à dents au mois de mars pour préparer le lit de semence. Et ce sera tout!» Pas question, donc, d’avoir un couvert végétal encore vigousse à la fin de la mauvaise saison ni de laisser une chance aux adventices! «Le Cover Crop Roller répond parfaitement à mes attentes parce qu’il compresse et blesse efficacement la masse végétale, la transformant en un paillis épais sans en faire un simple mulch.»
Attelé au 3 points, d’une largeur de 3 m 20, l’outil fabriqué aux États-Unis présente un diamètre de rouleau relativement fin (61 cm). «En le remplissant d’eau, on l’alourdit passablement et son poids dépasse carrément les 1200 kg.» C’est la première saison que les agriculteurs d’Apples et Reverolle utilisent cette machine construite par l’entreprise agricole américaine I&J Manufacturing. La société coopérative l’a acquise pour un peu moins de 10 000 francs auprès de l’importateur Alphatec et l’a rapidement adoptée: une cinquantaine d’hectares ont ainsi été roulés en quinze jours. «Son grand avantage, c’est qu’il est facile à utiliser, ce qui est un point essentiel en Cauma.» Avec seulement deux graisseurs à alimenter, le rouleau prend moins de temps à entretenir.