de saison
La fraise suisse n’a pas à rougir

Les premières fraises suisses ont fait leur apparition dans les rayons. À Vullierens (VD), la saison commence sous serre et se termine en autocueillette en plein champ.

La fraise suisse n’a pas à rougir

On perçoit leur odeur avant même de les apercevoir. Dans les nouvelles serres de Luc Bourgeois, à Vullierens, les fraises d’un rouge appétissant sont prêtes à être cueillies. Non loin de la Senoge, elles profitent de la chaleur et de la protection de leur toit pour rougir à leur rythme, en hauteur. Récoltées une à une, elles rejoignent délicatement leurs consœurs dans une barquette. «Nous avons pu livrer nos premières fraises, celles qui ont poussé dans la fibre de coco, dès le mois d’avril. C’est la première fois qu’on en livre si vite, commente le maraîcher. Nous continuerons avec celles mûrissant sous nos tunnels, puis celles en plein champ.» En échelonnant sa récolte répartie sur 2 hectares, Luc Bourgeois est ravi de pouvoir allonger jusqu’en juin la saison de ce fruit archiprisé.

De voluptueuses joly
L’arrivée des fraises suisses sur les étals n’est d’ailleurs pas passée inaperçue. Dans les commerces, les barquettes s’arrachent. Nos fraises n’ont visiblement pas à rougir de la concurrence, venant essentiellement d’Espagne. Dans la ferme des Bourgeois, le ballet des voitures est impressionnant ces derniers jours. Les clients attendent en file indienne de pouvoir entrer dans le petit magasin que tient Sylviane, au cœur de ce village connu loin à la ronde pour son jardin des iris. Tous repartent avec ces fruits rouges appétissants, parfois avec une botte d’asperges vertes sous le bras, l’autre spécialité de la famille Bourgeois. «Ces deux cultures ont des besoins en main-d’œuvre complémentaire», précise Luc Bourgeois, épaulé par un ouvrier à l’année et par des saisonniers au plus fort de la récolte.

Proche de ses clients qu’elle voit quasi quotidiennement, Sylviane écoute attentivement leur avis sur ses produits. Quitte à modifier ensuite la variété cultivée depuis 1993 sur le domaine. C’est ce qui est arrivé aux fraises. Alors que Luc Bourgeois préférait les elsanta, goûtues et se conservant bien, il a finalement renoncé à cette variété, préférant suivre l’avis de son épouse et de sa fille. Toutes deux l’ont poussé à cultiver la joly, une petite cousine de la cléry, dont le goût, toutefois moins prononcé que celles des bois ou la mara, séduit les foules. C’est d’ailleurs cette fraise aux courbes généreuses – à déguster nature, saupoudrée de sucre, arrosée de crème, en gelée ou encore en sorbet ou en tarte – qui avait remporté haut la main l’évaluation gustative comparative menée 2011 par le Centre de recherche de Conthey (VS). Elle a su au fil des ans s’imposer en Suisse.

Des soins constants
«La joly donne de gros fruits, qui ont aussi du goût, note Luc Bourgeois. On essaie de cultiver ces fruits, assez sensibles, avec le moins de produits phytosanitaires possible. Celles que l’on récolte sous serre actuellement, par exemple, n’ont reçu aucun traitement avec des produits de synthèse.» Pour venir à bout de l’oïdium, il utilise des lampes à soufre et surveille ses cultures de près pour repérer de potentiel cas de botrytis. Il lui arrive aussi d’avoir recours à la lutte biologique dans ses lignes de plantes.

Dans une semaine, la production de fraises hors sol, dans ses 1700 m2 de serres, se terminera. Les plants, à la végétation luxuriante, seront éliminés et seront remplacés par des aubergines, poussant pour l’heure dans leur ombre, à leur pied. La récolte de fraises continuera quelques mètres plus loin sous les tunnels, où, petit à petit, elles prennent des couleurs. Le gel les a pour l’heure épargnées, surtout dans la ligne centrale, où la température est plus clémente. «Entre le moment où elles se colorent et celui où elles sont mûres, il s’écoule quand même un certain temps», avertit Luc Bourgeois, suivant l’évolution de ses cultures de près.

À la mi-juin, ce sera le moment de ramasser les dernières pépites, se développant sans être salies par la boue, grâce à une épaisse couche de paille disposée à leur pied. «Cela permet de les garder propres et de les protéger des rayons du soleil», conclut Luc Bourgeois. Les derniers cageots seront remplis par les amateurs de ce fruit, en autocueillette.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): © Olivier évard

Bon à savoir

Un «faux fruit riche» en vitamine C

On en a mangé tellement que l’on a l’impression de tout savoir sur la fraise. Et pourtant, qui sait qu’en réalité, elle n’est pas un fruit? La chair que l’on croque n’est en fait qu’un réceptacle floral sur lequel on trouve environ 200 akènes, le nom scientifique des petits grains jaunes à sa surface. La superstar des étals a aussi de nombreuses vertus. Gorgée d’eau, elle ne contient que 35 kcal pour 100 g. En engloutir huit de bonne taille apporterait plus de vitamine C qu’avaler une orange. Archipopulaire sous nos latitudes, la fraise, issue de la famille des rosacées, est en fait originaire à la fois d’Asie, d’Europe et d’Amérique.

Les Romains, qui ne les cultivaient pas mais les récoltaient dans les bois, les utilisaient pour se faire des masques de beauté. C’est à eux que l’on doit son nom, inspiré de son parfum, fragum en latin; les Indiens d’Amérique les transformaient en alcool. Il a fallu attendre le Moyen Âge pour que les fraisiers se fraient un chemin dans nos potagers.

Plus d'infos

+ d’infos sur le site de la Ferme Bourgeois.