De saison
Il est revenu, le temps des cerises

Pas si éphémère qu’on le dit, la saison des cerises nous offre deux mois de délices, de juin à juillet. Les plus précoces ont toutefois souffert du printemps très pluvieux.

Il est revenu, le temps des cerises

L’humidité et le froid au moment de la floraison, la pluie, le froid et encore la pluie: «D’habitude, on cueille une cinquantaine de tonnes de cerises, mais cette année, si on en récolte 35, on sera content…»
Le printemps grisouille aurait de quoi rendre bougonnes les natures les plus souriantes et Patrick Muller ne fait pas exception. Arboriculteur à Cheseaux-Noréaz (VD), sur les hauts d’Yverdon, il arpente ses rangées de cerisiers pour dresser l’état des lieux. «Quand il fait froid et humide au moment de la floraison, la pollinisation se fait mal. Certaines variétés telle la summit ont particulièrement souffert: il n’y en aura pratiquement pas… L’année avait pourtant démarré très vite grâce à l’hiver doux, mais il faut compter désormais dix jours de retard par rapport à l’an dernier.» À noter que le Nord vaudois est la deuxième région productrice du canton, après celle d’Étoy.
À l’échelle nationale, les prévisions semblent toutefois plus optimistes, puisqu’on s’attend à une récolte comparable à celle de 2015, soit quelque 2200 tonnes de cerises de table, selon Fruit-Union Suisse.

Protégées par des filets
Avec la douzaine de variétés que cultive Patrick Muller – de la burlat à la griotte, en passant par les summit, coralise, kordia, sweetheart, rainier, basler adler, stark hardy giant ou lapin –, le temps des cerises n’est pas aussi éphémère qu’on le dit. Après les burlats, qu’on cueille dès la fin mai, la saison va durer jusqu’à fin juillet.
Les cerises qui occupent ici quelque 4 hectares ne sont pas la seule activité de Patrick Muller. On voit tout d’abord les rangées de framboisiers alignés au cordeau, soignés comme un jardin zen, puis les poiriers qui se balancent en pente douce sur le coteau surplombant le lac; autant de vergers vert vif gorgés d’humidité par une météo atypique. Passé le vaste hangar à l’enseigne de Muller Fruits, des silhouettes fantomatiques: les cerisiers ont tous été emballés de filets sur les côtés, habillés sur le dessus de bâches plastiques, faute de quoi les crises auraient toutes éclaté sous l’effet de la pluie. Patrick Muller se félicite de cet investissement consenti voilà trois ans. La pose de ces couvertures de plastique précède de peu la cueillette et n’a pas encore été effectuée pour les variétés tardives. Quant aux filets, qui enveloppent les rangées de cerisiers sur tout leur pourtour, ils font office de protection contre les oiseaux et les mouches drosophiles.
À l’intérieur, un léger mouvement vertical agite les arbres: huit cueilleurs répartis entre les différents vergers, un panier d’osier à la taille, escaladent leur échelle, s’arrêtent, redescendent d’un échelon, avant de déplacer leur engin. On cueille en principe en deux fois chacune des variétés, précise l’arboriculteur.
En production intégrée, on pratique un ou deux traitements contre les maladies
fongiques, la moniliose et les insectes, les variétés tardives étant généralement les plus sensibles. «La cerise, c’est quasi impossible en mode bio, précise Patrick Muller, notamment à cause des drosophiles apparues depuis trois ans. Certaines mesures préventives permettent toutefois d’en éviter la propagation, comme le fait de broyer les fruits restants après récolte.»

Riche en vitamines
Côté nutrition, la cerise contient beaucoup de potassium, d’où son action diurétique et dépurative, mais aussi d’autres sels minéraux tels le calcium, le magnésium, le fer ou le phosphore. Supportée par les diabétiques, elle est riche en vitamines A et C comme tous les fruits rouges, ainsi qu’en vitamine B et acide folique. Et ce n’est pas tout: l’infusion de queues de cerises est réputée détoxifiante. Enfin, pour ce qui est des meilleurs mariages de saveurs avec dame cerise, testez le chocolat et la pistache!

Texte(s): Véronique Zbinden
Photo(s): Olivier Evard

Bon à savoir

Quatre familles pour une tribu multiple
Genre Prunus, famille des rosacées. L’origine du cerisier se perd dans la nuit des temps.
Pour l’anecdote, il semblerait que le jus fermenté de cerise ait précédé celui à base de raisin chez nos ancêtres du néolithique. Prunus avium, le merisier doux, est alors présent aussi bien en Europe qu’au Moyen-Orient, alors que son cousin griottier, Prunus cerasus, aurait été ramené des bords de la mer Noire par les Romains. Les variétés actuelles sont issues de l’hybridation et des améliorations pratiquées dès l’époque romaine entre ces prunus originels. On distingue quatre familles: les bigarreaux, à chair ferme et croquante, qui regroupent la majorité des variétés actuelles (burlat, napoléon…), les guignes, à chair molle et au jus coloré (souvent transformées en eaux-de-vie), les amarelles, fruits acides à jus clair (qui font les meilleures confitures), et enfin les griottes, cerises acides à jus foncé (qu’on adore en crème glacée ou au kirsch).

Le Producteur

Patrick Muller et sa sœur Sylviane ont repris, en 1988, le domaine  tenu par la famille depuis trois générations. Ils l’ont agrandi, portant les surfaces à quelque 24 hectares, dont 16 ou 17 plantés d’arbres ou d’arbustes, le reste en herbe. Pommes, poires et pruneaux sont leurs spécialités. Si les pommes représentent la plus grosse partie des volumes, les cerisiers de différentes variétés occupent environ quatre hectares. Le reste se répartit entre la dizaine d’autres sortes de fruits et de baies. Le frère et la sœur emploient trois salariés à l’année et recourent à des collaborateurs