berne - fribourg, De Romont (FR) à Laupen (BE)

Balade à vélo avec la fée électricité sur le porte-bagage, on se sent pousser des ailes

Cet été, la rédaction de «Terre&Nature» se relaie pour parcourir à vélo électrique les sept premières étapes de la Route du Cœur. Au départ de Romont (FR), nous rejoignons Laupen (BE).

Romont s’éveille. Nous prenons un café sur la terrasse de l’Hôtel Saint-Georges. La tenancière, joviale, a repéré notre équipement cycliste. «Vous avez loué des vélos électriques pour faire la Route du Cœur? Je rêverais de prendre un jour de congé pour réaliser une étape», nous dit-elle. Chanceuses, aujourd’hui c’est nous qui partons en goguette, direction Laupen. Le temps est radieux. Mon amie Hélène a pris congé pour m’accompagner. On se sent pousser des ailes.
Après une formation sommaire, à la station de location, on entame l’itinéraire gaillardement avant de réaliser, première montée oblige, que notre assistance électrique nous fait défaut. Arrêt d’urgence. Concertation. Réflexions. La perspective de devoir parcourir 63 kilomètres à la seule force du mollet sur ces montures pesant plus de 25 kilos, nous laisse songeuses. Heureusement, le fonctionnement de l’ordinateur de bord est suffisamment intuitif. Et c’est avec des exclamations de joie que nous découvrons l’effet prodigieux de ce moteur de 25 watts. Une faible impulsion et nous voilà propulsées au sommet d’un raidillon en moins de deux. L’effet est bluffant! C’est donc pleinement rassurées et totalement enthousiastes que nous prenons la clé des champs pour passer de la Glâne à la Broye.
L’odeur du colza mûr et des foins que les paysans s’activent à faucher nous fouette le visage. Le chemin est bucolique. À Villarimboud (FR), notre fol équipage ne manque pas de surprendre un vieux monsieur installé sur son fauteuil pliant, une bière à la main. Sous l’auvent de sa ferme, attend-il le Tour de France? Hélas, ce ne sont que deux mistinguettes à vélo qui le saluent en passant.

Des pianos et des copeaux
Quittant les vastes cultures du Plateau suisse, on s’engage maintenant sous le couvert forestier de la vallée de l’Arborgne. Odeur d’humus, de fougères et de champignons, fraîcheur des sous-bois. On respire à pleins poumons. Jusqu’à ce qu’un 4×4 noir nous dépasse. Le trafic automobile est tellement rare sur cet itinéraire de la Route du Cœur que ce véhicule est accueilli par une volée de bois vert. Pourtant c’est bien son conducteur qui, sur l’aire de pique-nique suivante, nous proposera de nous arrêter pour partager l’apéro! Nous déclinons l’invitation et débouchons dans le hameau des Arborgnes qui nous laisse pantoises. S’y nichent une scierie et un facteur de pianos!
Propulsées par une assistance électrique à son maximum, nous grimpons vers Avenches (VD). «Il y a longtemps que je n’avais pas eu aussi faim!» me lance Hélène. Le message est clair: une pause s’impose. Malgré une croûte aux champignons roborative, le départ est difficile. Chaleur et digestion ne font pas bon ménage. Le soleil tape tandis que nous passons la porte de l’Est de cette cité qui fut capitale de l’Helvétie romaine. Des employés communaux rebouchent les nids de poule de la route. Les cyclistes leur disent merci! Nous glissons vers Morat (FR) dont les rives incitent – oui, déjà! – à la pause. Hélène s’octroie une petite sieste à l’ombre tandis que je photographie le port. Les arcades médiévales de cette cité fondée par les Zähringen – comme Berne – mériteraient le détour. Mais il est quinze heures et l’on a encore quelques coups de pédales à donner avant d’arriver à destination.

Pédale douce jusqu’à Laupen
C’était compter sans les charmes de Münchenwiler… Une jolie route bordée de noyers nous mène dans cette enclave bernoise aux contrastes saisissants. Car avant de parvenir au château, qui fait sa réputation, nous longeons le site de l’entreprise Bühlmann Recycling. D’énormes camions bigarrés convergent vers cet impressionnant lieu de recyclage des déchets. Nous roulons le long d’une véritable colline de débris de fer et d’acier. On lui trouve un côté à la fois très esthétique et préoccupant. Voilà donc où finiront nos vélos lorsqu’ils auront assez voyagé!
Éprouvées par ces considérations sur l’avenir de nos déchets et la mobilité douce, nous trouvons refuge sous les murs du château de Münchenwiler. Certes, cela ne fait que 3 kilomètres que nous avons quitté Morat, mais la terrasse ombragée bordée de lavandes et de plantes grimpantes nous attire irrésistiblement. Le site a conservé l’aura du prieuré clunisien et la rigueur du siège féodal bernois. Week-end romantique ou séminaire professionnel (avis aux concernés): l’adresse est à recommander.
La fin du voyage s’effectue en dilettante. La lumière du soleil qui décline dore les blés parsemés de bleuets. Les fermes bernoises, cossues, rassurent. Nous sommes dans la bonne direction. La pédale douce, légèrement étourdies d’air, de soleil et d’efforts, nous arrivons à Laupen, heureuses, mais déjà nostalgiques de cette splendide journée sur la Route du Cœur.

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): Marjorie Born; DR

infos pratiques

La Route du Coeur

Premier itinéraire conçu spécifiquement pour les vélos électriques, la Route du Cœur – balisée No 99 – permet de rallier Lausanne à Rorschach (SG) en 13 étapes. Des vélos Flyer peuvent être loués puis rendus au début et à la fin de chaque relais. Tout au long du parcours, de nombreuses stations permettent de recharger les batteries en cas de besoin. + d’infos www.herzroute.ch